La banalité du bien
La banalité du bien
Rien ne va plus ! Autrement dit : tout va
mal !
C’est bien ce qui suinte des conversations actuelles, comme
des impressions courantes après la fréquentation des médias « grand
public ». Notre société semble dominée par le manque de respect, la
vulgarité, la violence devenue virale. Quant aux vents que font souffler les
leaders de ce monde, ne mènent-ils pas tout droit à des conflits inévitables, voire
à des guerres très probables ? Ne
sentez-vous pas monter la mauvaise fièvre d’une certaine peur, signe que notre
humanité est bien malade ? Même dans l’Eglise, ce qui fait la une de son
actualité ne nous rassure pas. Une fois intégrée la triste problématique des
abus, il faut reconnaître que les indicateurs de vitalité chrétienne, du moins
chez nous, sont plutôt inquiétants. Mais cessons de céder au pessimisme
contagieux !
Comment réagir dans ce contexte plutôt ténébreux ? Une
petite analyse de nos réflexes spontanés suffit à dessiner un tableau assez
réaliste. Je peux céder à la colère, accuser les autres, trouver des coupables
qu’il convient de châtier ou d’exclure. On en déniche toujours quelques-uns,
parfois pas loin de chez soi. Je peux aussi me replier sur moi-même, me mettre
à l’abri, cultiver égoïstement mes maigres bonheurs personnels en toute bonne
conscience. Et si je trouvais ma bouée de sauvetage dans une indifférence
crasse, en attendant que passe l’orage ou qu’advienne l’apocalypse ? Que
celui ou celle qui n’a jamais péché jette la première pierre !
Hannah Arendt, la grande philosophe d’origine juive, a beaucoup
réfléchi à la banalité du mal à la suite de l’expérience historique des
horreurs nazies et communistes. Elle en a conclu que le mal peut être, en
effet, à la fois extrême et banal. Alors, la haine et la violence peuvent acquérir
« droit de cité » dans notre société, au point de devenir presque
naturelles dans nos relations inter-humaines, une sorte d’addiction qu’on finit
par tolérer, voire intégrer à vie courante.
Dieu nous en garde ! La philosophe allemande ajoute,
pour notre espérance : « Seul le bien est vraiment radical ».
Les hommes et femmes de bonne volonté, à commencer par ceux
qui se réfèrent au message de Jésus, ne peuvent que miser sur cette lumière au
bout de leurs tunnels. Quand nous avons l’impression de macérer dans une atmosphère
de samedi saint, l’Esprit du Christ peut nous offrir déjà un rayon de Pâques.
Et comment le capter, pour notre survie et peut-être même notre joie de vivre,
malgré la triste météo ambiante ? Après le courage de certains constats
réalistes, demandons la bravoure de réagir en continuant d’aimer, quoi qu’il en
coûte. D’aimer et d’agir dans le sens du bien, toujours encore possible, même à
petites doses. Oui, dans la chair de nos relations quotidiennes, inoculer la
banalité du bien, celui qui ne fait pas de bruit, mais qui transfigure le monde
du dedans.
Et si, dans l’angoissant contexte actuel, un tel défi me
semble impossible à relever, je peux au moins prier pour qu’une telle grâce me
soit donnée. Prier, encore une autre manière de faire un peu de bien, malgré
tout.
Claude Ducarroz Cet
article a paru sur le site cath.ch
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