Pêche à la ligne
Pêche à la ligne
Si j’en crois les évangiles, Jésus (de Nazareth) aimait cheminer
au bord du lac de Tibériade, dit aussi « mer de Galilée » ou
« lac de Gennésareth ». Sur ces rives ou sur ces flots, tant
d’évènements se sont produits, qui ont marqué à jamais le ministère du Christ
et la vocation de ses apôtres. Là, près du lac, il a rencontré et appelé ses
premiers disciples, il a annoncé l’évangile aux foules en leur parlant du
Royaume. Que ce soit au début de sa mission ou après sa résurrection, Jésus a
connu l’expérience de la pêche « sans rien prendre », que sa bonté a
transformée en pêche miraculeuse. Pas pour épater la galerie apostolique, mais
pour inviter certains pêcheurs à un changement de vie radical. Pierre le premier, puis tous les autres,
devinrent donc des « pêcheurs d’hommes ». « Et laissant dans la barque
leur père avec ses ouvriers, ils partirent à la suite de Jésus. » Mc 1,20
A ce propos, il est toujours question de la pêche au filet. « Jetez
les filets », répète Jésus, au point que parfois ceux-ci se rompirent sous
la pression du grand nombre de poissons. Il semble bien qu’on ne pratiquait pas, en ce
temps et en ces lieux-là, la pêche à la ligne, plus modeste, moins miraculeuse.
Et dans l’Eglise apostolique, qu’en est-il ? A en
croire les Actes des apôtres, la pêche au filet évangélique a rencontré un
certain succès. Au premier essai, le jour de la Pentecôte, l’ex-pêcheur
professionnel nommé Pierre convertit une grande foule bigarrée, au point
qu’environ trois mille personnes accueillirent la bonne parole et furent
baptisées. Ac 2,41 L’optimisme de l’auteur des Actes ne se démentit pas, tant des
foules ne cessèrent de répondre avec enthousiasme aux appels de l’Esprit.
Qu’en est-il de l’Eglise, chez nous, aujourd’hui ?
Nous avons aussi connu de belles « pêches » quand
les foules suivaient les conseils -voire les injonctions- des pasteurs envoyés
vers elles pour les conduire, en rangs serrés, dans les larges filets de
l’Eglise. Il n’y a pas à rougir de ces mouvements qui ont rempli nos églises et
garni nos structures. La religion des foules et la culture chrétienne de masse
ont répondu aux besoins et aux méthodes d’un segment de notre histoire en
Eglise. D’ailleurs, la mission des disciples, initiée au bord de la mer de
Galilée, restera toujours orientée vers l’universel, à savoir toutes les
cultures et toutes les nations, sans barrière et sans frontière. L’Esprit du
Christ et les énergies de l’Evangile ne peuvent s’imposer aucune limite puisque
le salut est offert gratuitement à tous.
Mais force est de constater que, chez nous actuellement, la
pêche à la ligne l’emporte de plus en plus sur la pêche au filet. Je le
constate tous les jours. Les grands rassemblements deviennent rares, que ce
soit pour l’évangélisation basique ou pour les célébrations liturgiques. La
rencontre interpersonnelle, le dialogue de proximité, le témoignage individuel
occupent le temps des nouveaux apôtres, davantage que l’organisation compliquée
de mégas évènements plus ou moins médiatiques.
Sans opposer une méthode à l’autre, il me semble que les
filets de l’Eglise ont beaucoup de trous, et que les poissons se font de plus
en plus rares en leur sein. Oui, l’humble pêche à la ligne, en marge des
structures sophistiquées, inspire toutes nos prières et mobilise tous nos
efforts.
Puisque Jésus continue de nous rappeler, quelles que soient
les circonstances historiques, qu’il veut, encore et toujours, faire de nous
des pêcheurs d’hommes, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Claude Ducarroz
Cette réflexion a paru sur le site cath.ch
le 8 mai 2024
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