On valse au Vatican
On valse aussi au Vatican
Vienne 1815. Dans la capitale de l’empire
austro-hongrois, on vit intensément le congrès éponyme qui remodela l’Europe
sous le signe de la Restauration. Et on a beaucoup dansé la valse dans les
salons et les palais, entre les intrigues et les compromis.
Bonne nouvelle : on danse aussi la valse au Vatican.
Dans un premier temps, le dicastère pour la doctrine de
la foi -approuvé par le pape François- a promulgué le 18 décembre 2023 une
déclaration - Fiducia supplicans -
autorisant une « bénédiction pastorale » pour les personnes en
situation irrégulière, à savoir les couples
de même sexe et les divorcés remariés.
Deuxième temps : des conférences d’évêques
-notamment en Afrique -ont critiqué cette déclaration en ajoutant qu’ils ne la
mettraient pas en pratique dans le contexte ecclésial et culturel qui est le
leur.
Troisième pas, en date du 4 janvier 2024 : le
Vatican s’en remet au libre jugement des autorités des Eglises locales ou
régionales pour l’application -ou non – de ladite déclaration vaticane.
Fin provisoire de la chorégraphie de la « bénédiction
pastorale » pour catholiques plus ou moins marginaux…ou marginalisés.
Comment ne pas tirer une leçon opportune de cette
valse-hésitation pontificale ?
Selon la doctrine catholique, l’évêque de Rome est le
signe et le garant de la communion dans l’unité de la foi et du gouvernement
pastoral. L’Histoire démontre qu’il a parfois exercé ce précieux ministère
jusqu’à l’obsession de l’uniformité planétaire. Pour préserver l’unité, même
les braves catholiques du Sri Lanka devaient tous prier en latin ! Or,
comme le rappela le concile Vatican II, le pape est aussi le gardien des
diversités légitimes dans le concert symphonique des Eglises aux dimensions du
vaste monde.
L’actuel synode promu par le pape François se propose de mieux
harmoniser les deux dimensions de ce service, à savoir le soin de l’unité
visible -si présente dans l’ADN catholique- et le respect des variétés
fécondes, si importantes pour le progrès du rapprochement œcuménique entre les
Eglises chrétiennes. L’unité indispensable dans la profession du mystère
chrétien doit donc s’accompagner d’une juste liberté dans l’expression de ses
traductions religieuses et culturelles.
Plus que jamais, si tous les chrétiens veulent un jour
-par la grâce de Dieu- danser tous ensemble la magnifique musique de l’Evangile
au cœur de notre humanité il faut que l’évêque de Rome et ses services
apprennent à mieux marier l’unité et la diversité, car telle est l’exigence
profonde d’une vraie catholicité.
C’est le sens et
aussi le propos du synode en cours. Sans ce nouvel équilibre souhaité par
beaucoup de chrétiens de toutes les Eglises, le synode aura seulement consacré
un statu quo stérile, sans l’audace des réformes nécessaires. Quelle
déception !
Point n’est besoin que tout se décide à Rome, avec
l’illusion que le centralisme serait un inexpugnable rempart pour conserver
l’unité. La communion, dans l’Eglise et entre les Eglises, postule aussi
l’espace de liberté bienvenue afin que l’Evangile puisse continuer à faire
résonner toute sa riche harmonie, non par un prestigieux solo romain, mais dans
un vibrant orchestre universel.
Claude Ducarroz
Cet article a paru sur le site cath.ch le 31 janvier 2024
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