Ecoute!... Et tais-toi?
Ecoute !…. Et tais-toi ?
Par une de
ses formules dont il a le secret, le pape François appelle les Pères et Mères
du Synode romain à pratiquer « l’apostolat de l’oreille », à savoir
une attitude d’écoute réciproque dans le respect et la bienveillance. Il ajoute
évidemment qu’il s’agit d’abord d’écouter la Parole de Dieu et les inspirations
de l’Esprit, mais aussi de capter la voix des pauvres et les cris des
souffrants.
En ces temps
si difficiles – et même douloureux- dans l’actualité du monde et de notre Eglise,
j’ai essayé d’être un meilleur « apôtre de l’oreille » dans mes
relations pastorales. Et qu’est-ce que
j’ai entendu ? Des lamentations de désespérance, des gémissements
d’impuissance, des soupirs de tristesse. Avec ces questions presque
récurrentes, y compris chez des croyants : « Où est Dieu dans tout cela ?
que fait-il ? pourquoi laisse-t-il advenir tout ce mal ? »
Parmi les
philosophes et les théologiens patentés, la tentation est grande de donner
aussitôt quelques réponses consolatrices ou encourageantes. Ce peut être un réel
secours, ce peut être aussi un piège. Avouons-le loyalement : nous aussi,
nous sommes habités par ces mêmes questionnements et nous cherchons laborieusement
quelque éclairage dans nos obscurités humaines, qu’elles soient celles de
l’intelligence ou celles de la foi.
Dans ces
circonstances je me méfie de ceux et celles qui prétendent avoir aussitôt réponse
à tout. Le Christ lui-même, sur la croix, a osé poser à Dieu son Père cette
question à la fois métaphysique et théologale : « Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34) Et lorsqu’il s’est
finalement abandonné lui-même dans le vertige de la confiance, avait-il tout
compris, tout expliqué ?
N'ayons pas
peur de nos interpellations, ni honte de nos interrogations, même quand elles
nous semblent sans réponse en ce monde. Plus que jamais, je crois que les
ombres les plus tenaces de nos nuits spirituelles ne pourront se dissiper que
dans l’éclat de la rencontre pascale avec le Ressuscité, à notre arrivée dans
la mystérieuse clarté du Royaume de Dieu. Un peu de patience… et beaucoup de
confiance !
Est-ce à
dire que nous sommes condamnés, ici-bas, à la prison des ténèbres, à la
paralysie de la résignation, au désespoir de vivre et de mourir ? Sûrement
pas.
Il me semble
que trois lumignons peuvent être allumés à tout moment, quels que soient nos
contextes de vie. La prière n’est-elle pas l’ouverture à la respiration de
l’Esprit en nous, qui insuffle du courage émanant de la pâque de Jésus, lui qui
transmit cet Esprit précisément au moment de mourir ? Et puis il nous reste
deux mains divines qui nous aident à tenir debout et à avancer malgré tout :
la main de la beauté, qui peut encore enchanter le monde, même au-dessus de
toutes ses mochetés, et la main de la bonté, qui peut semer beaucoup d’amour,
même au-dessus de ses méchancetés. Modestement, humblement.
Et je lis
dans le psaume 34,7 : « Un pauvre crie. Le Seigneur écoute (entend).
Il le sauve de toutes ses angoisses. »
Claude
Ducarroz
Commentaires
Enregistrer un commentaire