ABUS EN EGLISE: Et maintenant?

 Des abus dans l’Eglise catholique. Et maintenant ?

Dans la tempête médiatique qui accompagne la divulgation des abus sexuels dans l’Eglise catholique en Suisse, peut-on encore prendre quelque recul qui ne soit pas aussitôt interprété comme une offense aux victimes ? C’est évident :  l’heure est d’abord à l’accueil de ces tristes révélations, au soutien des personnes blessées, à la réparation des torts subis et au passage par la justice pour les fauteurs de tels délits lorsqu’ils sont avérés. 

Il nous faut aller plus loin maintenant, jusqu’à la conversion, jusqu’aux réformes. Encore convient-il de ne pas foncer sans réfléchir dans de nouvelles impasses. Car vouloir affaiblir brutalement notre Eglise dans son rayonnement, voire creuser sa tombe au milieu de nous, c’est une tentation qui n’apportera aucun bénéfice à personne. Ce serait oublier le cadeau de l’Evangile du Christ, que les Eglises n’ont cessé de proposer à notre humanité, pour son bien temporel et éternel.  Ce serait aussi faire fi des « valeurs ajoutées » que ces mêmes Eglises ont implantées largement dans nos civilisations, malgré leurs fautes. Aujourd’hui, il faut souhaiter au christianisme de nouvelles résurrections et non pas les derniers requiems.

Concernant les serviteurs et servantes de l’Evangile en Eglises, comme il serait injuste de les stigmatiser tous sous le prétexté des trahisons inacceptables de quelques-uns. Comme vous sans doute, je connais encore des chrétiens imparfaits -hommes et femmes- qui s’engagent généreusement dans les œuvres de la pastorale et dans les solidarités humaines. Ose-t-on encore leur dire merci ? 

Au point où nous en sommes, j’ai l’impression que notre Eglise se retrouve  comme au temps de la Renaissance (XVème-XVIème siècles), avec la même nécessité de réformes radicales. Et voici que le pape François a lancé l’idée d’un synode, sur le thème « communion, participation et mission », après une vaste consultation des Eglises et communautés chrétiennes à travers le monde. De ces remontées inédites de la base catholique, il ressort en effet un urgent besoin de profonds changements, à l’instar de ce qu’exigeaient les chrétiens au 16ème siècle.

Les protagonistes de ce synode auront-ils la sagesse de réviser certaines doctrines concernant la gouvernance de l’Eglise ? Comme le souhaite le pape, va-t-on tordre le cou à un certain cléricalisme qui continue de provoquer des dégâts dans la gestion de nos communautés, par exemple dans les relations prêtres-laïcs ?  Aura-t-on la fraternité suffisante pour assimiler l’apport des autres Eglises chrétiennes dans la recherche d’une authentique unité qui respecte les légitimes diversités ? Osera-t-on intégrer pleinement les femmes dans les ministères d’Eglise, y compris ordonnés, malgré le poids d’une longue tradition fort contestable ? A l’instar de la tradition la plus ancienne, qui régit les Eglises d’Orient -y compris catholiques-, aurons-nous le bon sens de remettre en question l’obligation universelle du célibat pour les prêtres de l’Eglise latine ? Il ne s’agit pas de soupçonner le célibat en soi, car il peut être un beau charisme au service du ministère d’un prêtre heureux. Il s’agit de permettre un libre choix qui devrait contribuer à assainir une certaine ambiance ecclésiastique devenue délétère.  Dans ce contexte, ne doit-on pas revoir une certaine morale sexuelle à la lumière des découvertes reconnues des sciences humaines, mais sans disqualifier le témoignage si précieux des familles et des couples chrétiens en faveur de l’amour fidèle et durable dans une civilisation occidentale si fragile sur ces points ?  

Personnellement, j’estime que le principal enjeu immédiat du synode réside dans la décentralisation de l’autorité à l’intérieur de notre Eglise. Il faut en finir avec le centralisme romain qui a si souvent confondu unité et uniformité.  Nous devons rendre aux Eglises régionales, sans mettre en danger la communion catholique, une juste autonomie de réflexion et de décision. Cette culture de la confiance et de la subsidiarité permettra de trouver, dans des contextes variés, des solutions plus adaptées pour résoudre les problèmes actuels, y compris ceux qui tournent autour des abus, qu’ils soient sexuels ou d’autorité.

Vaste programme. Mais je crois à la vigilance pastorale du Christ sur son Eglise à travers tant d’hommes et de femmes de bonne volonté, persévérants dans leur foi, solides dans l’espérance d’un meilleur avenir pour leur Eglise et animés d’un amour actif et inventif. Finalement, notre mission n’est-elle pas de mieux servir la merveilleuse et parfois tragique humanité vers laquelle nous sommes toutes et tous envoyés «  à cause de Jésus et de l’Evangile », jusqu’à notre  entrée dans le Royaume de Dieu ?

Claude Ducarroz

Cet article a paru dans le quotidien Le Temps du 20 septembre 2023


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