En hommage à Yvette, ma belle-soeur
+ Yvette Ducarroz-Bersier
Ce n’est
pas une canonisation. Mais j’ai toujours estimé que mon frère Bernard était un
saint homme, et qu’il avait à ses côtés une sainte femme. Bernard et Yvette,
nos bien-aimés, désormais réunis en Dieu, selon notre foi.
Certains
-ou certaines- feraient peut-être remarquer qu’Yvette fut essentiellement une
femme à la maison, une femme de maison. Et c’est vrai, depuis son séjour assez
prolongé dans sa bonne maison natale, la ferme de Louis et Lucia Bersier à
Vesin, avec trois frères aimés, jusqu’à son installation finale à Montbrelloz,
avec son enseignant de mari, Bernard Ducarroz, rencontré dans la salle de
classe de la même école, à Rueyres-les-Prés.
Une femme
de maison. Mais quelles maisons ? Il faut les écrire et les décrire au
pluriel.
La
maison-nid d’abord pour ce couple discrètement amoureux, et en attente de
famille élargie. Et puis l’arrivée de deux oisillons, les enfants de leur
patience et de leur impatience d’amour, accueillis comme des cadeaux du ciel.
La vie de famille, quelles que soient les circonstances du départ, est un
jardin semé de fleurs de plusieurs couleurs, selon les joies, les soucis, les
peines. Les surprises aussi, que réserve une existence ordinaire, mais toujours
extraordinaire pour celles et ceux qui portent ou traversent les évènements, là,
auprès du chaleureux rayonnement de la cheminée, ou derrière une abondante
frondaison d’arbres et de plantes chéries.
Et là
s’arrête notre curiosité, dans le respect de votre intimité. Mais puis-je vous
le demander, Anne et Benoît ? Vous
n’oublierez jamais, n’est-ce pas ? quels parents vous ont accueillis et
aimés, et vous savez, et vous saurez leur faire honneur.
La maison
de Bernard et Yvette. Ce n’est pas un hasard, avec un coup de mains affectueux de
papa Max, elle est située à un carrefour de plusieurs routes. Grâce notamment à
la magnifique capacité d’hospitalité d’Yvette, toujours sur la brèche, la
maison du poète est devenue une ruche ouverte à tous les vents des inspirations
et des partages. A toute heure du jour et de la nuit, suivant les visites des
compositeurs Pierre Huwiler et Francis Volery, de leurs musiciens et chanteurs,
suivant les collaborations avec les autres enseignants, suivant les besoins
pastoraux des prêtres et des laïcs, et tout simplement dans le voisinage
humain, Yvette était là, souriante et accueillante. Pour tout ce petit monde hétéroclite,
bruyant, chantant, et souvent intéressé par la plume de Bernard, elle s’est
montrée d’une patience et d’une générosité admirables. Pour tout cela, nous lui
devons tous une très grande reconnaissance. Je le dis aussi au nom de nos
villages et de nos paroisses qui ont apprécié souvent ses engagements par le
chant et par son dévouement à la vie communautaire, y compris dans cette église.
Merci, Yvette,
y compris de la part de notre famille, car aller chez Bernard et Yvette, pour
des retrouvailles heureuses ou douloureuses, c’était un bonheur ou une
consolation, selon les circonstances de nos rencontres.
Et
j’ajoute personnellement combien Bernard et Yvette, ensemble, ont compté dans
mon ministère, parce que je pouvais toujours revenir chez eux, pour le repos du
lundi, mais aussi pour des partages profonds et toujours positifs, toujours
intéressants et bienfaisants.
Ainsi va
la vie. Un jour arrive, toujours trop tôt certes, où il faut consentir à entrer
dans une autre maison. Après l’envol de Bernard vers l’éternité de son destin,
Yvette, touchée par la maladie, a dû quitter son nid familial pour habiter chez
les Mouettes d’Estavayer. Là, elle a mené une vie paisible, entourée de bons
soins, au fur et à mesure que ses capacités relationnelles diminuaient. Il lui
restait le meilleur d’elle-même, son sourire, son contentement proverbial, sa
bienveillance à l’égard de tous, sa présence discrète, comme une prière qu’on
murmure devant une bougie appelée à s’éteindre bientôt. Ce qui s’est passé
mardi dernier à 23h.45.
Reste la
dernière maison. Quand on parle de la mort, il arrive qu’on évoque une dernière
demeure. Certains pensent la trouver au cimetière ou ailleurs.
Mais quelqu’un nous promet tout autre chose.
On pourrait mettre en doute ses belles paroles s’il ne les avait pas sécurisées
par le témoignage personnel de son destin humain. Mort sur une croix, enseveli
dans un tombeau, il est ressuscité d’entre les morts, pour affirmer -et
prouver- que notre aventure humaine ne s’arrête pas ici-bas, quand toutes nos
maisons semblent disparaître avec nous.
C’est un
grand mystère certes, mais pourquoi ne pas faire confiance à celui qui, d’au-delà
de la mort et de sa propre mort, nous promet que « dans la maison de mon
Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure. Je pars vous préparer une place,
dit-il. Je reviendrai vous prendre avec
moi. Là où je suis, vous y serez aussi ».
Tout est
dit, et ça change tout, à la mort d’abord, qui est en réalité un passage vers
la maison définitive où le Père attend ses enfants. Mais ça change aussi la vie
actuelle, selon cette autre parole : « Nous savons, nous, que nous
sommes passé de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères et sœurs.
Seul celui qui n’aime pas reste dans la mort. »
Alors,
là, nous retrouvons pleinement Yvette, la femme de la maison humaine qu’elle
sut si bien remplir de son amour, conjugal, maternel, familial. Et bien
au-delà, par toutes les rencontres et tous les services qui ont animé sa vie,
et réjoui les nôtres. Yvette, tout humblement, tout efficacement, sans bruit,
sinon celui des chants, nous a tous beaucoup aimés.
Maintenant,
nous le croyons, par une foi qui fut aussi la sienne, elle est arrivée dans sa
maison définitive. Seules nos larmes viennent un peu brouiller cette nouvelle
communion avec nos invisibles toujours présents. Présents dans nos souvenirs,
dans nos mercis, dans nos prières. Dans l’amour plus fort que tout. Car Dieu
est Amour.
Claude
Ducarroz 7
août 2021
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