Sacré-Coeur 2021

 

Fête du Sacré-Cœur

Jean 19,31-37

Ouchy 11 juin 2021

Au risque de paraître indiscret, puis-je me permettre de vous poser la question suivante : « Avez-vous des problèmes de cœur ? » Je devine votre réponse spontanée quoique silencieuse : « …ça ne vous regarde pas. »

 Et vous avez raison, car je ne suis pas médecin, je ne suis pas psychologue ni professionnel de la consolation sur les réseaux sociaux, et je n’anime pas la Ligne de cœur, même si j’ai beaucoup d’admiration pour le travail qu’accomplit Jean-Marc Richard dans cette émission de notre radio romande.

Je reviens à ma question de départ. Même si vous aviez des problèmes de cœur – au physique, au sentimental, au relationnel -, vous ne seriez pas les seuls. Vous seriez même en bonne compagnie puisque Dieu en a aussi.

Il devait s’y attendre, et maintenant nous en avons la preuve, puisqu’il s’est révélé lui-même comme amour. C’est bien connu : seuls ceux qui aiment beaucoup -on pourrait dire « les amoureux »-, ont des problèmes de cœur. Or le plus grand amoureux, c’est Dieu.  Et il est amoureux de nous.

Sa carte d’identité ? « Dieu est Amour », majuscule, total, infini, éternel. Rien qu’Amour.

La démonstration ?  « Voici comment s’est manifesté l’amour de Dieu au milieu de nous :  il a envoyé son Fils dans le monde afin que nous vivions par lui. »

La conséquence ?  « Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. »

Et ça change tout : Si tout cela est vrai, alors « nous devons nous aimer les uns les autres. »

 Et voilà que, brutalement, après ces belles paroles, l’évangile nous plante au pied de la croix sur laquelle vient de mourir Jésus de Nazareth, l’envoyé du Père pour nous faire découvrir l’amour de Dieu.

Ce serait donc ça, le Dieu Amour ; ce serait donc là, l’illustration de l’amour divin : un cœur ouvert d’où coulent du sang et de l’eau. Alors éclate cette terrible phrase de Nietzsche : « Ils ne surent aimer leur dieu qu’en clouant l’homme sur la croix. »

C’est que, M. Nietzsche, l’amour qu’est Dieu, ce n’est ni la victoire d’un super- pouvoir, ni la violence d’une domination, ni l’orgueil d’une divine supériorité. Mais, comme dit la première lecture, la douceur d’un père qui apprend à marcher à son fils en le soutenant de ses bras, ou alors la tendresse d’une maman qui soulève son nourrisson tout contre sa joue.

Car la seule arme qu’utilise l’amour de Dieu, pour nous convaincre sans jamais chercher à nous vaincre, c’est de faire au milieu de nous ce qu’a fait Jésus : se mettre à genoux dans la posture du serviteur, laver les pieds de ses disciples -les nôtres- et finalement donner sa vie sur une croix. Pas tellement mourir, mais donner sa vie. Par amour évidemment.

Alors nous pouvons enfin reconnaître la qualité de l’amour divin, justement aux cadeaux qu’il nous a offerts -et nous offre encore- de là-haut : il nous a transmis son Esprit, il nous a offert sa vie jusqu’à la dernière goutte d’eau et de sang. Une fois pour toutes, mais en même temps chaque jour, comme ce soir pour nous.

 

J’aime un des vitraux de la cathédrale de Fribourg qui met en scène cela. Alors que des anges retiennent Jésus mort qui semble vouloir s’échapper encore vivant de la croix, il se penche vers une femme debout au pied de sa croix. Tandis que son sang coule de son côté ouvert, cette femme le recueille dans une coupe. Non, ce n’est pas Marie, c’est l’Eglise, c’est nous.

Et avec sa main droite, comme s’il était déjà ressuscité, Jésus caresse la joue de la femme, la nôtre, chaque fois que nous communions à son corps livré, à son sang versé. Pas seulement pour nous, mais, comme dit la prière de consécration : « …et pour la multitude », à savoir pour toute l’humanité.

Alors Dieu se révèle tel qu’il est, dans la toute puissance de son amour, dans l’éclatante majesté de son esprit de service, dans la stupéfiante générosité qui donne tout sans mesure, et d’abord lui-même, en toute humilité.

Il ne faut pas s’étonner dès lors que nous ayons, nous, des problèmes de cœur, si nous sommes les enfants de ce Père-là, si nous sommes re-nés de ce cœur-là, si nous sommes les fils et filles d’un tel Amour. 

D’une part il nous sera sans cesse rappelé le commandement que nous tenons de lui :  « Que celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » Nous serons donc toujours en déficit d’amour, des apprentis en charité, laborieux et parfois bien fatigués, voire découragés.

 Nous aurons toujours des crises de cœur, même quand nous essayons d’être cordiaux avec nos voisins. Ne sommes-nous pas de perpétuels cardiaques de l’évangile ?

 Mais s’il est une vérité qu’il ne faut jamais oublier, c’est celle-ci : Dieu continue de nous aimer, il ne sait faire que cela.

Il trouvera le moyen, dans l’Eglise ou en dehors, de nous montrer que nos misères à nous, digérées par son cœur à lui, peuvent finalement briller comme des perles de miséricorde, des étoiles de Pâques dans les cieux agités de nos météos humaines.

Et puis il y a toujours quelque chose à retenir pour notre vie de chaque jour. Si nous sommes toujours aimés de Dieu, quoi qu’il nous arrive, Lui aime aussi les autres, tous les autres, y compris celles et ceux que nous avons de la peine à aimer…. comme lui nous aime.

Oui, ça vaut toujours de la peine de miser sur l’amour, quand il est sincère, même s’il est comme une flamme vacillante dans la tempête de nos réactions instinctives ou de nos sentiments capricieux.

Aimer quand même, jusqu’au don, jusqu’au pardon.

Et enfin, regarder sans cesse le cœur du Christ, pas seulement dans la sanglante mise en scène de la croix, mais surtout dans la douce démonstration du soir de Pâques, lorsqu’il a montré ses plaies béantes  pour en faire des sources d’espérance pascale. L’amour plus fort que tout.

S’il est possible, et même probable, que nous ayons à souffrir, quand c’est encore par amour, c’est le grincement d’une porte qui mène au paradis de l’Amour, parce que partagé avec tous, dans le cœur même de Dieu.

Le dernier mot de ce cœur ouvert pour toujours ?  « Tu seras avec moi au paradis. »

                                                               Claude Ducarroz

 

 

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