Evangile de Thomas

 

Homélie 2ème dimanche de Pâques 2021

Où es-tu ? Où êtes-vous ? Où sommes-nous ? Dans l’évangile de ce dimanche. Car l’évangile, ce n’est pas seulement eux : les Douze, Thomas, les disciples, ou d’autres encore. C’est nous aussi, avec eux, aujourd’hui.

Mais attention ! Avant de répondre à cette question, il nous faut répondre d’abord à une autre : qu’est-ce que cet évangile ? Qui est cet évangile ? Si c’est quelqu’un, de toute évidence, ce n’est pas nous. 

Depuis un certain matin de printemps à Jérusalem, la réponse est claire : la bonne nouvelle, c’est Jésus ressuscité en personne. Et ça change tout, pour nous, pour toute l’humanité, et même pour tout l’univers, visible et invisible, comme dit notre Credo.

Oui, que nous le sachions ou non, que nous y croyons ou non, nous sommes maintenant « après Pâques », autrement dit dans un monde définitivement nouveau. Le cosmos lui-même tourne dans une rotation post-pascale. L’humanité s’est pascalisée -ou plutôt a été pascalisée- par la puissance de la résurrection de Jésus. Nous sommes tous des enfants de cette résurrection. La vie, le mouvement et l’être -les nôtres- sont désormais impliqués – mieux encore : intégrés, incorporés à la dynamique irréversible de l’évènement de Pâques.

 Sur la croix, en mourant, ou plutôt en donnant sa vie pour le salut du monde, Jésus s’est écrié : « Tout est accompli ». Et il l’a fait « une fois pour toutes », comme le rappelle l’épître aux Hébreux. Personne ne pourra jamais revenir en arrière.  Pèlerins de Pâques, désormais nous pâquons avec Jésus, car nous sommes tous embarqués avec lui dans l’extraordinaire aventure de cette alliance nouvelle et éternelle.

Quelle aventure, en effet !  A partir de Jésus de Nazareth, devenu pour toujours notre Seigneur et notre Sauveur universel. Mais, de notre côté cette fois, du côté de notre humanité en marche cahotique vers sa Pâque, tout est encore à découvrir, à reconnaître, à accueillir, à mettre en pratique. Vaste programme, n’est-ce pas ?

 Et nous retrouvons l’évangile de ce dimanche. Avec ce Jésus présent, mais aussi surprenant, discret, infiniment respectueux de notre liberté, comprenant la dignité de nos questions, la pertinence de nos doutes, le besoin de nos preuves. Où sommes-nous, où sont-ils ceux qui nous entourent et que nous aimons, par exemple aujourd’hui nos enfants, nos jeunes, nos collègues de travail ou nos partenaires de vie ?

Ce matin, dans cette belle chapelle, avec l’accueil béni d’une communauté religieuse, nous sommes peut-être comme ces premiers disciples, bien au chaud dans le cénacle catholique, mais un peu enfermés aussi, à l’abri.

En bonne compagnie certes : avec celles et ceux qui furent remplis de joie en reconnaissant le Seigneur, avec celui qui leur a dit ces belles paroles « La paix soit avec vous », avec celui qui les invite à son repas pascal, comme à Emmaüs.

 Mais il y aussi les autres, celles et ceux qui sont restés dehors ou discutent, voire disputent sur le seuil. Oui, ceux dont nous sommes aussi parfois, ces Thomas d’aujourd’hui. Il y a en effet tous ces frères et soeurs en humanité pèlerine, qui sont incroyants, mal-croyants, sceptiques, mal à l’aise dans l’Eglise, parfois cabossés par elle, mais qui sont appelés, tout comme nous, au salut universel par la croix et la résurrection de Jésus, moyennant le oui espéré de leur liberté.

 

 Ils sont là, avec nous, dans la même vie et dans le même monde, en attente anonyme, inconsciente, inavouée, en désir nocturne de pouvoir reconnaître le Sauveur -le leur comme le nôtre-. Oui, le contempler avec la marque de ses plaies, signes du plus grand amour ; le toucher en son côté ouvert parce qu’il y a encore de la place pour eux dans le cœur de sa miséricorde, un cœur à la fois assez divin et assez humain pour digérer toutes leurs misères, les leurs comme les nôtres.

Finalement -c’est notre espérance et notre prière-, ne serons-nous pas tous un jour réunis dans cette béatitude des croyants, avec des retards à l’allumage peut-être : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » Et que nous puissions, tôt ou tard, proclamer tous ensemble, devant le Christ de la croix et de la Pâque : « Mon Seigneur et mon Dieu ».

En attendant, à nous qui sommes réunis ici, avec l’intensité de la joie intérieure, mais sans l’arrogance de la foi déjà confessée, Jésus nous redit : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Avec le cadeau baptismal de l’Esprit-Saint, pour nous conforter dans notre mission et nous donner l’audace d’un humble témoignage.

 Oui, dans toutes nos relations humaines, et surtout auprès de ceux qui sont parfois des Thomas de la première mouture « Non, je ne croirai pas », que nous puissions leur dire, leur montrer et leur démontrer, d’une manière ou d’une autre, quelle est la vraie joie de croire, celle qui ose aller jusques là : « Nous avons vu le Seigneur ».

Dans l’Eglise certes, si imparfaite qu’elle soit, mais surtout dans la vie de tous les jours, au coeur du monde, en solidarité active avec toute l’humanité, celle à qui Jésus redit encore aujourd’hui : « La paix soit avec vous ! », celle qui attend de notre part des signes lisibles et crédibles - relire la première lecture de cette liturgie-, afin que se réalise ce souhait de l’évangile de ce dimanche : « Qu’en croyant que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, tous aient la vie en son nom. »

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