Ouste! A la sacristie!
Ouste ! A la sacristie !
La campagne politique autour de l’initiative sur les « multinationales
responsables » révèle des pratiques et des jugements fort intéressants.
Notamment au sujet de l’engagement des Eglises dans cette conjoncture.
Ce n’est pas nouveau mais c’est particulièrement
relevant : les autorités des Eglises chrétiennes, dans une belle unanimité
œcuménique, ont dit ce qu’elles pensaient de cette initiative. Des paroisses ont
pris le relai dans le même sens. Des citoyens ès qualité, par exemple des
prêtres et des pasteurs, se sont mis en exergue par leur soutien public.
Il fallait s’y attendre. D’autres citoyens, et pas des
moindres, reprochent aux Eglises de se mêler indument de politique et de
favoriser ainsi une malheureuse division parmi les fidèles, dans le contexte
d’une question qui ne postule aucune réponse univoque. Ils leur ont montré la
porte de la sacristie.
C’est l’occasion d’une clarification qui peut être
bienvenue.
Les chrétiens sont des citoyens comme les autres, avec
les mêmes droits et les mêmes devoirs. Parmi lesquels celui de s’intéresser à
la marche du monde, de s’engager pour améliorer le sort du prochain, en
commençant par les plus pauvres et les plus nécessiteux, chez nous et jusqu’au
bout de la terre. Nous avons la chance rare de pouvoir accomplir ce devoir dans
le cadre d’une démocratie participative et pluraliste. C’est dire qu’il nous
faut en user sans modération, en toute liberté citoyenne et en conscience
éclairée par les valeurs de l’Evangile.
Mais il y a des degrés dans ce devoir.
Dans les temps ordinaires et pour des initiatives
éthiquement neutres, chacun y va de son analyse et de sa secrète décision. Pas
de problème !
Cependant, il y a parfois des opportunités de revisiter
notre Evangile quand certaines propositions ont une charge éthique forte ou
même évidente. Les autorités de nos Eglises se permettent alors d’exprimer
publiquement une opinion dument fondée et motivée. Il s’agit d’une part de
décerner une sorte de » label évangélique » à ladite proposition. Mais
d’autre part il n’a jamais été question de contraindre qui que ce soit à voter
dans tel ou tel sens. La liberté du discernement individuel et le respect de la
conscience personnelle sont garantis.
A partir de ces matières complexes et contingentes, gardons-nous
de classer des concitoyens entre bons et mauvais chrétiens suivant ce qu’ils
écrivent sur leur bulletin de vote. Dieu n’est ni à gauche ni à droite, mais il
nous inspire certainement, par son Esprit, de toujours vérifier, quelles que
soient nos opinions politiques, que nous soyons cohérents dans nos choix et
courageux dans nos engagements.
Il y a des situations extraordinaires. Quand une théorie
ou une initiative heurte de front les valeurs humanistes promues, entre autres,
par le christianisme, l’Eglise doit prendre position en toute clarté, quoi
qu’il puisse lui en coûter. On a assez reproché aux dirigeants des Eglises, au
temps de certaines dictatures inhumaines, le silence, la pusillanimité et même quelques
complicités. Chacun doit retenir cette leçon.
On n’imagine plus que des Eglises, et par conséquent des chrétiens,
appuient des idéologies racistes, antisémites, ou des systèmes qui briment les
libertés, exploitent les pauvres, massacrent la nature ou promeuvent la guerre.
Alors, il ne s’agit plus d’opinions politiques
opportunément variées, mais de poisons à rejeter et à combattre, si l’on veut
continuer de vivre ensemble sous les standards d’une authentique humanité qui
carbure à la justice, à la paix et à la fraternité. C’est l’honneur de
certains, croyants ou non, d’avoir poussé la fidélité à l’Homme jusqu’au
martyre. De cette manière, même sans le savoir, ils ont tous honoré le Dieu « ami
des hommes » tel que nous le rencontrons en Jésus Christ.
Claude Ducarroz
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