Homélie de Pâques
PÂQUES 2025 ABBAYE DE TAMIE
Excusez-moi!
Même le Jour de Pâques – peut-être surtout le Jour de Pâques –, il convient de rappeler deux vérités basiques – donc incontournables et universelles – parce qu’elles enserrent et définissent notre condition humaine.
D’abord nous existons, nous sommes des vivants. Et ensuite nous sommes des êtres mortels. Nous allons donc tous mourir. Nous voguons donc entre la vie – qu’on accueille normalement comme un cadeau, même si elle peut être ressentie parfois comme un fardeau –et la mort qualifiée tantôt de tragédie, tantôt de délivrance.
Il s’en passe, des évènements, durant notre mystérieux voyage existentiel.
- Que de questions, avec ou sans réponse.
- Que de bonheurs aussi, même fragiles, sous les voilures de l’amour et de l’amitié.
- Que de malheurs – hélas ! – même ces jours-ci, au triste spectacle imposé par les soi-disant ‘ grands de ce monde ’.
Et voici qu’un certain matin de printemps à Jérusalem, quelqu’un s’est levé, relevé, non pas d’une longue sieste, mais de la mort même, d’un tombeau scellé, désormais ouvert et vide, celui qu’ont découvert Marie Madeleine, Pierre et Jean, stupéfaits.
Et ce passage-là, cette Pâque a tout changé en lui, évidemment, et peut tout changer en nous, peut-être ! La preuve de cette espérance, c’est que nous sommes ici ce matin, et qu’il y a encore des communautés monastiques en ce monde ! Dieu merci !
L’homme de cette pâque-là n’a nullement esquivé notre sombre destin en menant le sien jusqu’à ce lumineux matin. En cachant son mystère de Fils de Dieu dans l’humilité de Bethléem, puis de Nazareth, il a d’abord voulu assumer pleinement ce que nous sommes, pour nous conduire avec respect jusqu’au grand rendez-vous de sa Pâque. Rude pèlerinage pour le Fils de l’homme et le Fils de Dieu. Prophète d’une bonne nouvelle, il a passé en faisant le bien. Mais la fidélité à son Père l’a mené jusqu’à la croix, sommet de la punition et de l’exclusion, en vérité suprême preuve d’amour … pour nous, mortels et pécheurs.
La surprise de Dieu éclate en ce jour. Le Crucifié est vivant pour toujours. Joie de Marie sa mère, qui venait de vivre son deuxième mais douloureux enfantement au pied de la croix. Car la crèche et la croix sont du même bois.
Donc, me direz-vous, finalement tout va bien, tout va mieux, pour ce Jésus de Nazareth, puisqu’il est revenu à la vie après sa mort, en attendant d’entrer dans toute sa gloire. Même quelques sceptiques bienveillants peuvent en rester là, aujourd’hui encore. Pâques ? Tant mieux pour lui. Je les entends ajouter : ‘ Qu’est-ce que ça change pour nous, pauvres mortels ? Et pour toute l’humanité en si pénible traversée, avec nos petites et grandes croix à nous ? ’
C’est là précisément qu’il ne faut pas rater le virage, au risque de sortir de la route de l’Evangile, donc de notre salut intégral. Je le crois. Il suffit de quelques paroles, venant d’un crucifié ressuscité, pour que nous soyons plus que ‘ intéressés ’ : impliqués !
« Là où je suis, vous serez aussi avec moi. Je pars vous préparer une place. D’ailleurs dans la maison de mon Père, il y a de la place pour beaucoup de monde » (Jn 14,2-3).
Vous entendez bien : une place avec le Ressuscité pour toujours ! Aussi pour nous ! C’est ce que l’apôtre Paul nous redit à sa manière : « Pour le moment, votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Mais quand paraîtra le Christ, votre vie, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3,4).
Quand c’est Jésus, Fils de Dieu et homme ressuscité, qui nous promet cela, peut-on encore hésiter, résister ? Une telle invitation fraternelle à le rejoindre dans la maison de son Père, ne fait-elle pas pâlir – sans les effacer – toutes nos questions sur l’au-delà ? Un jour, ses réponses à lui, seront tellement plus merveilleuses que nos angoisses existentielles, si légitimes et respectables qu’elles soient.
D’ailleurs, finalement, tous les humains n’ont-ils pas en eux quelque ADN pascal, puisqu’ils proviennent de l’Amour créateur et sont déjà programmés pour la gloire du Royaume ? La mort totale ne peut avoir le dernier mot. Ni tout autre mal, y compris notre péché.
Dès lors qu’attendons-nous pour vivre dès maintenant en « pascals » puisque nous le sommes. D’autant plus nous, qui avons reçu par pure grâce, tant de cadeaux supplémentaires : la re-naissance dans le baptême, la foi en la Parole de Dieu, la nourriture eucharistique de l’alliance nouvelle et éternelle, le pardon des péchés, la belle fraternité de l’Eglise universelle.
Ne restons pas à l’abri de Pâques, entre nous ; comme le Christ en croix et comme le Seigneur de l’Ascension, élargissons les bras de notre amour sur le monde entier, avec un cœur ouvert à tous. Car il y a de l’immortel dans tout amour vrai, et de l’éternel dans la communion du Ressuscité.
C’est l’apôtre Jean qui donne la recette :
« Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie,
parce que nous aimons nos frères et sœurs » (1 Jn 3,14).
J’ajoute : quitte à subir quelques épines dans l’esprit et dans le cœur, comme Jésus.
Toujours miser sur l’amour pour vivre en ressuscité, promis et en voie de réalisation.
Je repense à cet homme, un grand amoureux, qui m’a dit un jour : ‘ Quand je dis à mon épouse « je t’aime », en vérité je lui dis : ‘ je ne veux pas que tu meures … Jamais ’. C’est un couple pascal !
Dès lors, il nous faut tout pascaliser, avec la grâce de Dieu : la vie de famille, nos relations humaines, dans l’écologie, l’économie, la politique, les loisirs, jusque dans les quartiers et les banlieues, comme on dit en France.
Puisque nous sommes pascals, toujours et partout,
pâquons maintenant.
Joyeuses Pâques !
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