Autour de la réconciliation

 

La Réconciliation

 Conférence du Chanoine Ducarroz Claude – ACAT 29.10.22

Nous sommes là pour une belle et grande cause.

 Nous recevons beaucoup de nouvelles. La première est excellente : Dieu est Amour, dans une communion de personnes, parfait exemple d’une réconciliation éternelle dans la diversité et l’unité. Dieu est un « réconcilié éternel » puisque cohabitent en Lui le Père, le Fils et le Saint-Esprit, un seul Dieu en trois personnes.

C’est la base de la réconciliation. Il a fait toute chose par amour, parce qu’Il est Amour. Il ne sait rien faire d’autre. Il a fait l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance. La famille humaine, son ADN, est une conciliation entre 1 + 1 et ça donne encore un, un autre. Quel défi ? Nous sommes appelés à relever ce défi. L’unité accompagne l’altérité pour provoquer une fécondité encore différente, à partir de nos diversités, chacun de nous étant le 3ème des deux autres. Nous sommes unis par la conciliation.

Après, ça se gâte. C’est vrai. Je n’ai pas la réponse définitive. Le constat est contrasté. Nous savons, nous les humains, par expérience personnelle, que nous pouvons presque le meilleur, mais aussi parfois presque le pire.

La Bible dit que le cœur de l’homme est un peu malade. Pourquoi ? Comment ? Cela reste une terrible question. Cela a à voir avec la liberté que Dieu respecte. Je reconnais que l’énigme demeure. Et toutes les religions essaient de la résoudre plus ou moins. Il nous arrive d’être si peu aimables, si peu aimants. Les religions gèrent un peu cette contradiction. Il y a en nous cette tension entre ces pôles du bien et du mal.

Nous sommes personnellement des êtres divisés au lieu d’être toujours réconciliés. Cela vaut avec nos proches. Faire famille, c’est le plus souvent un cadeau en même temps qu’un projet et qu’une lutte. Les relations sociales sont aussi marquées par cette ambiguïté, avec nos voisins, nos relations professionnelles, dans les groupes, les relations internationales marquées par la possibilité du bien, mais aussi par une fatalité du mal.

Derrière ces relations se cache notre relation avec Dieu. Quelles sont nos relations avec la source ? Nous sommes responsables pour notre part, marqués par un beau désir, mais aussi une certaine faiblesse. Nous avons besoin de plusieurs réconciliations. Sans avoir la réponse à tout, et surtout pas à l’énigme que nous sommes. Heureusement ce Dieu Amour a manifesté qu’Il ne nous abandonne pas à ce sort. Son Amour veut réparer, soigner, sauver le mystère ambigu que nous sommes.

Dans l’histoire d’Israël, cette relation entre Dieu et son peuple est un combat, de part et d’autre, pour la réconciliation. Sous l’aspect de l’épouse infidèle pour la ramener dans la relation avec Dieu. Osée 2, 16-22. Ou comme des enfants rebelles avec leur père. Ezéchiel 18. Dieu ne se résigne pas à notre situation difficile et parfois dramatique. Son Amour redouble. Après nous avoir fait exister, après nous avoir sauvés, c’est le comble de l’Amour.

Une grande quête de réconciliation. Tous les Psaumes en parlent avec des mots très humains. Nous croyons comme chrétiens que ce pèlerinage à la réconciliation est accompagné par quelqu’un qui porte le nom de « Dieu sauve » et nous offre le cadeau ultime d’une réconciliation définitive : 2 Co 5, 18-21.

La réconciliation par le Christ s’est passée dans un maximum de proximité. Il est devenu humain au milieu de nous par l’incarnation. Il nous apporte, à partir du plus petit, du plus bas, du dernier, cette paix, cette justice. Il est médiateur de la nouvelle relation entre Dieu et les hommes. A commencer par Noël jusqu’à la croix. C’est là que nous sommes sauvés définitivement, la réconciliation. Être accueillis en Lui.

Dans l’Evangile, la mentalité de Dieu est manifestée dans le Christ. La brebis perdue, l’enfant prodigue… Toute rencontre avec le Christ, tout devient prétexte à la réconciliation… Zachée, la Samaritaine… Tous les chemins mènent à son cœur et ça devient la démonstration de la miséricorde réconciliatrice. Toutes ces misères aboutissent à un même cœur. Celui qui les accueille là les brûle, les digère, les transfigure. Capacité d’un cœur quand il est à la dimension de Dieu : accueillir toutes les misères pour les transfigurer, pour les ‘pasqualiser’, pour les transformer en pâques.  Par des gestes, des paroles, par le silence du cœur ouvert. Sur la croix, avec Marie-Madeleine, le bon larron…et tous les autres autours.

Mise en scène de la réconciliation le soir de Pâques. Il leur dit : « La paix soit avec vous. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés seront aussi pardonnés… Cadeau d’en haut qui devient mission d’en bas, pour le pardon. Après tout cela, celui que le Christ a annoncé, promis, donné…c’est le travail de l’Esprit. Nous sommes dans ce temps-là. L’Esprit assure l’actualité du Christ dans notre histoire. Cet Esprit qui, dès la Pentecôte, relève le défi de la communion à partir de nos diversités qui sont si souvent des prétextes aux conflits, à la violence.

Dans les Actes des Apôtres (ch. 2), les chrétiens étaient assidus à la prière, à l’enseignement. Ils mettaient tout en commun et louaient Dieu parce qu’ils n’avaient qu’un cœur et qu’une âme. Les diversités enrichissaient l’unité au lieu de la disloquer. C’est notre actualité, notre grâce, notre défi, notre devoir. Pour cela, nous avons quelques lumières sur la route, une feuille de route : les Béatitudes. Mt 5. Au jour le jour, avec des accents qui correspondent à nos circonstances, à nos tempéraments. Ça détermine notre prière. Nous pouvons être des agents d’unité dans la diversité respectée.

Quel est l’instrument ? C’est l’Eglise. L’Esprit déborde l’Eglise et les Eglises. L’Esprit est partout…

Dans le message personnel de Jésus de Nazareth, ses paroles, ses actes, ses promesses. Nous sommes en première ligne dans la bataille de l’Amour. Nous ne sommes pas seuls. Il ne faut pas mettre des limites à l’Amour de Dieu. L’Evangile guide le monde peu à peu vers le Royaume de Dieu.

Nous sommes appelés à être témoins privilégiés, conscients, sérieux, responsables de ce projet de réconciliation tous azimuts pour l’humanité.

Sur quels points faire attention. Il y a 4 ferments de division possible. Ces ferments sont bons en soi, mais ils peuvent être si dangereux.

L’AVOIR. Des avoirs, possessions, toujours plus, plus que les autres… L’avoir peut être un piège. C’est bien d’avoir des avoirs, villas…, mais quand Jésus dit que les pauvres en esprit sont heureux… Sobriété de vie, gage de belle liberté. Nous pouvons être enchaînés par l’avoir.

Le POUVOIR, cette capacité de dominer, de soumettre, d’exploiter, d’annihiler l’autre, dans son esprit et jusque dans la guerre.  C’est parfois le cléricalisme assorti de l’aura du sacré.

Le SAVOIR Instrument d’humiliation, d’exclusion, de comparaison, de hiérarchisation, parce qu’ils savent plus et mieux. Bon possiblement, mauvais possiblement.

Le JOUIR dans une société où le jouir a pris une importance excessive. Culte du wellness. Individuel toujours, course au bien-être replié sur soi. Se sentir bien dans sa peau. Il doit être corrigé par l’idée du partage, de la compassion…

Derrière tout cela, nous sommes invités à l’atelier de plusieurs réconciliations, c’est l’Amour. Pas de raisons plus profondes que ce que Jésus nous dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Ce n’est pas facile. Même les apôtres qui pourtant étaient à l’école de Jésus ont eu des difficultés. Même à la crucifixion, ils ne sont pas là. Ils se posent la question de qui est le premier, lée plus granous… peu de temps avant.

Il nous faut accepter de nous remettre en question. Pour Paul, la nouveauté du Christ, la rencontre avec Jésus lui fait dire que rien ne peut justifier une quelconque exclusion dans l’Eglise (juifs – païens). Il y a de nouvelles différences aujourd’hui, p.ex. la place de la femme dans l’Eglise. Pour Paul, la nouveauté du Christ c’est :

-        Plus aucune discrimination ne tient (Juifs – Grecs, plus de différences).

-        Homme libre et esclave. Ça ne tient pas. Lettre à Philémon. Il lui parle dOnèsime comme son frère et non son esclave. Paul injecte la révolution de l’Evangile.

-        Homme – femme. Gal. 3, 28. La différence entre homme et femme ne justifie aucune discrimination. La différence est un enrichissement. 

Heureusement dans l’Eglise, il y a des ministères de la réconciliation. Ministères de retrouvailles, de pardon. Si ton frère a quelque chose contre toi, va d’abord te réconcilier avec lui… Nous avons le sacrement de la réconciliation.

X

Questions :

Le pardon, c’est un don par-dessus, surajouté, qui vient couvrir l’offense, les dettes. On noie le mal par du bien.

Le pardon n’efface pas la justice. On peut dépasser la justice par l’amour. Demander cette grâce.

Il faut avoir confiance dans la justice humaine pour la réparation qui peut s’exercer. Le chic, c’est que l’amour puisse dépasser la justice dans l’Esprit-Saint.

Les premiers pas. On peut toujours faire le premier pas quelle que soit la situation. C’est à disposition de chacun. On ne peut pas simplement dire que nous attendons que l’autre fasse quelque chose.

Dans les conflits, je me fais du bien en allant vers l’autre pour lui demander pardon. Je suis le premier bénéficiaire. J’ai eu cette liberté. J’ai retrouvé la paix intérieure en faisant cette démarche. Il y a un bonheur à pardonner, même si l’autre ne répond pas.

Nous sommes appelés à nous insérer dans le grand projet de réconciliation avec toute l’humanité, même avec tout l’univers.

Ces démarches de pardon sont des gouttes d’eau dans la mer. Elles ont leur place dans ce réseau géré par l’Esprit-Saint. Ça pèse dans notre histoire. Nous sommes une humanité solidaire. Nous sommes tous des petites mains dans la vaste usine mondiale.

Ce que nous faisons par rapport à la nature, ça entre dans la dynamique de la réconciliation voulue par Dieu, dans le projet inter-universel que Dieu a sur nous. C’est au niveau de tous les croyants, de tous les hommes de bonne volonté. L’Esprit anime l’Eglise, les Eglises, mais aussi tous les croyants et tous les hommes de bonne volonté.

Il y a des petits riens qui nous apprennent à changer le monde.

Différence entre le ressenti et le volontaire. La réconciliation, c’est une question de volonté, mais la sensibilité, le côté affectif prend du temps pour s’apaiser. Est-ce que je veux du bien à l’autre ? Est-ce que je prie pour lui ? même si la sensibilité a de la peine à suivre.

Livre sur le pardon : Magda Hollander-Lafon, « Demain au creux de nos mains. », Bayard, 2011, 157 p.

« Ce sont les larmes de Dieu qui coulent sur nos joues. »

« Se pardonner à soi-même d’être en vie. »

 

Notes prises par Sœur Bibiane

 

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