Il y a 50 ans : les Synodes 72
Il
y a 50 ans : les Synodes 72
« Un des grands événements de notre temps », avait
dit le général de Gaulle au sujet du Concile Vatican II (1962-1965). Encore
fallait-il le faire « atterrir » en ce temps-là. Ce fut l’ambition
des Synodes célébrés dans les diocèses suisses de 1972 à 1975.
La surprenante convocation d’un concile par le pape Jean
XXIII (19 janvier 1959) avait bouleversé la vie de l’Eglise catholique. Durant
4 années, notre Eglise vécut dans une certaine ébullition, soulevée par des espérances,
freinée par des résistances, étonnée par des renouveaux. Dans le souffle d’une « nouvelle
Pentecôte », le peuple de Dieu hissa les voiles de multiples réformes. En
se contemplant dans le miroir de l’Evangile, en portant un regard bienveillant
sur notre monde, en tendant la main du cœur aux autres chrétiens, l’Eglise
catholique expérimenta les fécondités d’un véritable « aggiornamento ».
Et après ? Et chez nous ? interpellaient quelques curieux
plus ou moins sceptiques. Ce fut le mérite de nos évêques, dans la foulée du Concile
qui les avait plus ou moins convertis, d’oser le lancement courageux d’un processus
synodal national.
Une méthode d’ample participation
C’était dans l’air du temps. Fidèles individuels, groupes à
foison, mouvements et institutions : une large consultation – recueillie,
puis publiée – rassembla sur la table synodale les thèmes les plus importants
et les plus urgents. En toute liberté. Des commissions nationales analysèrent ces
résultats d’une certaine « démocratie » ecclésiale. Dans chaque
diocèse, puis au niveau national, des propositions de réflexions en vue de
futures décisions facilitèrent le rythme de cette marche en avant de notre
Eglise dans son siècle. Les instances délibératives, en présence des autorités
épiscopales, représentaient au mieux les diverses strates du peuple de Dieu (80
laïcs sur 160 délégués à Fribourg) :
·
Une méthode assez helvétique, nuancée
par quelques corsetages venant du droit canon.
·
A bien distinguer : les décisions
et les recommandations.
·
Rien de définitif sans la signature des
évêques.
· Et le dernier mot, pour certains thèmes délicats, demeure l’apanage de Rome. On est en Suisse, mais on reste catholique !
Le trésor de ces textes (*)
Oui, il faut relire ces textes, forcément situés dans le contexte
de l’Eglise et de la société de ce temps-là. On est frappé de constater combien
la plupart conservent une étonnante actualité.
Pour
le contexte
- l’appui sur les documents du concile Vatican
II, pour souligner la volonté de les incarner
chez nous ;
- l’influence des théologiens d’alors pour
illustrer en profondeur la pertinence des réflexions
subséquentes (accent sur la formation) ;
- le haut degré d’importance accordée à
certaines questions qui avaient remué l’ambiance
pendant et après le Concile,
par
exemple :
- la foi enracinée dans la Parole de Dieu et
rejoignant l’expérience humaine ;
- la confiance dans la nouvelle liturgie dont
on commençait à apprécier les bienfaits
dans des célébrations plus vivantes, témoignages à la clé ;
- l’insistance sur la nécessité de la vie
communautaire et du partage en équipes plurielles ;
- les impulsions promues par des laïcs de plus
en plus conscients et engagés, tant dans
les services d’Eglise que dans les structures de la société. On subodore l’influence de l’Action catholique ;
- les questions autour des ministères variés,
après la redécouverte d’une Église peuple
de Dieu, avec des baptisés libres et responsables ;
- l’actualité de la pastorale de la sexualité
et de la famille. On devine les débats autour
de l’encyclique « Humanae vitae » ;
- l’engagement bienveillant, solidaire et
critique dans une société en plein bouleversement
(cf. mai 68) ;
- la dimension œcuménique à la faveur d’une
véritable découverte pour notre Eglise ;
- la tendance à estimer que beaucoup de
problèmes peuvent se résoudre par l’établissement
de conseils, commissions et autres structures. Attention à la surcharge !
Des
audaces
Souffle
de liberté, avec des
propositions qui n’ont pas toujours rencontré le “placet” de nos autorités :
- la liturgie :
·
le souhait de célébrations
pénitentielles communautaires
·
la possibilité pour les divorcés
remariés de recevoir l’eucharistie à certaines conditions
-
les ministères :
·
le vœu de pouvoir ordonner prêtres des hommes
mariés
·
l’espoir de réinsérer dans le ministère
des prêtres dispensés du célibat
·
l’étude de la possibilité d’ordonner
aussi des femmes
·
la participation des communautés dans
le choix des évêques
-
la famille :
·
le libre choix des époux pour la
planification des naissances
-
l’œcuménisme :
·
l’ouverture à l’hospitalité
eucharistique réciproque en certaines circonstances
-
la société :
·
l’abolition du statut de saisonniers
·
la promotion d’un service civil
·
la solidarité avec les migrants et
réfugiés
Et
aujourd’hui ?
On ne va pas reprocher à ces synodes la discrétion, voire le
mutisme sur les thèmes qui font l’actualité brûlante de notre Eglise au 21e
siècle. On peut cependant les signaler :
- la sécularisation
galopante
- le cléricalisme et
ses abus
- le féminisme
- l’écologie
- les nouveaux
moyens de communication
- les relations avec
les autres religions
Au travail, dans l’Esprit de l’Evangile !
Avec l’audace de nouvelles réformes, sur le socle d’un
peuple en prière, avec la mobilisation de toutes les énergies baptismales.
Sans oublier de dire merci aux Synodes 72-75 ! Et
toujours pour la gloire de Dieu et le salut du monde !
Claude
Ducarroz
(*) Pour une Eglise servante et pauvre
Décisions et recommandations
Editions Saint-Paul 1978
Commentaires
Enregistrer un commentaire