Immaculée Conception de Marie

 

Immaculée Conception 2021

 

13 ans. Durant 13 ans, chaque année au début de décembre -que Marie me pardonne !-, je me suis posé la question : qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire dans l’homélie de la fête de l’Immaculée Conception? En effet, la messe de cette fête est toujours confiée au prévôt du chapitre, c’est la tradition dans notre cathédrale.

Immaculée conception. J’ai déjà remarqué que beaucoup ne comprennent pas exactement le sens de ces mots, en confondant cette doctrine avec la conception virginale de Jésus. On pourrait évidemment se contenter de répéter la salutation de l’ange Gabriel : « Je te salue, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi ». En ajoutant peut-être cette déclaration de Marie lors de la scène de la Visitation : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles. Saint est son nom. »

En rappelant que la doctrine de la conception immaculée de Marie a fait l’objet de multiples controverses dans l’histoire de la théologie en Occident, on peut aussi résumer cette vérité par la phrase plus sobre, en usage en Orient : Marie est la pan-aghia, la toute-sainte.

Ou alors simplement citer l’essentiel du dogme, finalement défini par le pape Pie IX en 1854, pour ancrer cette théologie dans la mariologie fleurissant en ce temps-là : « La bienheureuse Vierge Marie a été au premier instant de sa conception, par grâce singulière et par privilège de Dieu tout-puissant, et en vue des mérites de Jésus-Christ, sauveur du genre humain, préservée de toute souillure du péché originel. »

La grâce singulière et le privilège : en réalité l’apanage de Marie, qui seul peut expliquer et justifier tout autre privilège, c’est le fait qu’elle ait été choisie par Dieu, moyennant l’acquiescement de sa liberté, comme mère de Jésus, le Messie d’Israël, le fils de Dieu fait chair et le sauveur du monde. L’immaculée conception, c’est la préparation radicale de l’évènement et de l’avènement unique de l’incarnation du Fils de Dieu dans notre humanité, par l’assentiment de Marie au dessein de Dieu, porté par la parole de l’ange et réalisé par l’action de l’Esprit Saint en elle.

Encore faut-il se méfier de certains pièges qui n’ont pas toujours été évités dans la piété, voire la théologie mariales.

La sainteté exceptionnelle de Marie n’a pas diminué, mais au contraire augmenté sa liberté de dire oui -ou non- à la proposition divine. L’absence de péché originel, selon la tradition latine, ne fait pas de Marie une automate, mais au contraire une partenaire émancipée et intelligente, comme le prouve le dialogue adulte qu’elle a conduit avant de dire son oui total et définitif.

Par ailleurs, il ne faudrait surtout pas oublier saint Joseph. Le dessein de Dieu a passé par deux annonciations, selon les évangiles, et le oui de Joseph compte autant que celui de Marie. Jésus a voulu naître dans une famille, avec à la maison un couple amoureux et laborieux. Ne disait-on pas de Jésus qu’il était le fils de Joseph, le charpentier ? Que la sainteté immaculée de Marie n’écrase ni n’efface celle de Joseph son époux.

 Et que la conception immaculée de Marie n’insinue pas que toutes les autres conceptions seraient maculées par je ne sais quelle tache ou quel péché.

Jamais par ailleurs l’immaculée conception de Marie ne l’a isolée des autres femmes, et hommes aussi.  Quand on parle de Marie, quand on la montre, elle est toujours bien accompagnée, depuis la visitation à Elisabeth jusqu’à la croix en passant par les noces de Cana. Que serait une sainteté qui placerait le ou la disciple de Jésus sur un piédestal inaccessible, surplombant les autres, sous prétexte qu’ils sont de pauvres pécheurs ?

 La scène de Marie au pied de la croix est tellement significative. Elle est là, la mère, mais avec plusieurs autres femmes, dont certaines n’avaient pas nécessairement bonne réputation. Mais n’étaient-elles aussi saintes, à leur manière, dans la miséricorde ?

Il nous faut donc veiller, y compris dans les représentations iconographiques de Marie, l’Immaculée, à ne pas en faire une super-reine dans les nuages, elle qui s’est définie elle-même comme la petite servante du Seigneur.

Et en conséquence, y compris dans l’Eglise, il ne faut pas profiter des privilèges reconnus à Marie, de ses beautés et de ses gloires, pour laisser entendre qu’on a exalté en elle la femme, toutes les femmes, et par conséquent qu’on peut -voire même doit, selon certains- les honorer en leur conférant la seule dignité de servir humblement, en particulier le clergé, comme si elles devaient se contenter d’assumer seulement des responsabilités et ministères inférieurs qui correspondraient mieux à leur condition subalterne.

Que Marie immaculée ne devienne pas le prétexte à un antiféminisme chrétien, voire catholique.

N’oublions jamais que Marie, dans sa toute sainteté, était avec sa famille et au milieu des apôtres dès la fondation de l’Eglise à la Pentecôte. Qu’elle nous rapproche encore de la parfaite communion trinitaire avec Dieu, dans la fréquentation assidue de l’Evangile de son fils et notre frère.

Et qu’elle prie pour le renouveau de l’Eglise universelle dans laquelle les hommes et les femmes pourront continuer de grandir en sainteté, en liberté et en responsabilités partagées, selon les vœux de notre pape, notamment par l’initiative du prochain synode.

Claude Ducarroz

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