Petit troupeau
Ne crains pas, petit troupeau !
Je l’ai constaté moi-même, et beaucoup m’ont fait la même
remarque : le public qui fréquente nos églises est en constante et forte
diminution. Certes, quelques évènements exceptionnels rassemblent encore « beaucoup
de monde ». Mais les dimanches et fêtes ordinaires, il y a plutôt des
bancs vides, en attente désespérée de fidèles surtout absents. Inévitablement,
cette impressionnante raréfaction suscite bien des questions. Et même de
sourdes accusations.
Les fidèles dits
« pratiquants », à la faveur du Covid, ont peut-être pris l’habitude
de suivre les liturgies à la télévision. Ils sont devenus des télé-chrétiens,
et ça leur suffit, d’autant plus que les messes télévisées leur ont semblé
parfois de meilleure qualité que les célébrations péniblement animées dans leur
paroisse.
Pour les uns, c’est la faute à l’abandon des bonnes
traditions liturgiques de jadis ; pour d’autres, c’est à cause de
l’ambiance ennuyeuse et des prédications-rasoir qui plombent trop souvent les
liturgies. Chacun y va de ses soupçons péremptoires.
Et si c’était
finalement, dans une société de plus en plus sécularisée par toutes les
influences de notre culture matérialiste, tout simplement un recul de la foi en
Dieu, quel qu’il soit ? « Je crois en la vie, en la nature, en
l’amour », me dit un jour un jeune très sincère, « mais Dieu et la
religion, c’est trop compliqué pour moi ». Que dire alors de l’Eglise,
avec ses dogmes abscons, ses rites d’un autre âge, sa morale rigoriste ? Et les abus, évidemment !
Les pratiquants résiduels sont donc violemment
interpelés. Mais nous avons mieux à faire que de tomber dans le syndrome de
toutes les culpabilités. Bien sûr, nous devons nous interroger, chacun de nous et
l’Eglise comme telle, depuis ses autorités de toutes sortes jusqu’aux simples
péquins de notre religion.
Encore doit-on
commencer par le bon bout de la remise en question. *Quand sévit une forte bourrasque,
il faut d’abord s’accrocher aux grosses branches », me dit un jour un homme
très sage. Il n’y a qu’un seul mat qui tienne sur la barque de l’Eglise quand
elle affronte une telle tempête sur la mer de notre monde : le Christ mort
et ressuscité pour tous, chrétiens ou non.
Se cramponner à
son Evangile, prier son Esprit Saint: ce sera toujours le premier devoir et la seule source
de confiance des chrétiens, surtout quand ils sont éprouvés par l’assaut des vents
contraires, que les vagues surgissent du dehors ou submergent du dedans notre
frêle embarcation ecclésiale.
Les réformes si nécessaires, les liturgies ré-animées,
les témoignages de vie plus cohérents avec l’Evangile et plus lisibles par nos
contemporains : tout cela ne nous dispensera jamais de la communion
profonde avec le Christ-Source. C’est d’ailleurs de là que tout surgit :
et la fidélité à ce qui est de toujours, et la liberté pour créer du nouveau,
et le courage nécessaire pour persévérer, quoi qu’il en coûte.
« Ne crains pas, petit troupeau », dit Jésus à
ses disciples inquiets, car votre Père a trouvé bon de vous donner le
Royaume » (Lc 12,32). Pas seulement
à nous -heureusement !-, mais à beaucoup d’autres aussi. Par les moyens
que son amour saura inventer pour rejoindre sur leur route humaine tous nos
frères et sœurs de bonne volonté.
A paru sur le site
cath.ch le 10 novembre 2021
Claude
Ducarroz
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