Le prêtre ! C’est quoi ? C’est qui ?

Homélie    Marc 10,35-45

Prêtre ! C’est quoi, ça ?    Pardon ! C’est qui celui-là ?

Il y a 30 ans, on n’aurait sans doute pas eu besoin de poser cette question. Mais aujourd’hui cette question se pose, parfois avec urgence, voire avec méfiance. Par les temps qui courent, notamment dans notre Eglise, la réponse n’est ni évidente ni confortable.

A mes risques et périls -puisqu’on me l’a demandé-, je vous propose mon humble avis, sans prétention à diffuser une quelconque vérité définitive, et sans imposer cette opinion à qui que ce soit.

I.

Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Je signale qu’ils avaient aussi une mère, celle qui, selon Matthieu 20,20, fit un jour du lobbying familial auprès de Jésus.

Le prêtre est d’abord un être humain, le fils d’une famille - avec ou sans particule-, le fruit d’un certain milieu, et un citoyen de son temps. C’est son destin, c’est aussi son droit. Mais il faut parfois rappeler de telles évidences, pour soi-même et aussi pour les autres.

 

Oui, d’abord -et c’est sa dignité basique et son premier mystère- : être un homme parmi les hommes, avec un héritage forcément mélangé, avec le besoin d’aimer et d’être aimé, avec un cœur qui bat et une sexualité qui peut gronder, avec le grand désir de bien faire, et beaucoup de limites pour le faire bien.

 Je le sais : vous attendez de nous que nous soyons d’abord des compagnons de voyage sur les itinéraires bousculés de vos vies, dans la simplicité du contact, dans la vérité du dialogue, dans la proximité de la relation.

Alors une prière : aidez-nous à être humain, à le rester et même à le devenir davantage. Nous avons besoin de votre amitié, l’une des plus belles formes de l’amour. Nous accueillons vos exigences, mais nous comptons aussi sur votre indulgence. Oui, tout simplement, aimons-nous les uns les autres.

II.

La coupe que je vais boire, vous la boirez. Et vous serez baptisés du même baptême que moi, dit Jésus.

Homme parmi les hommes, le prêtre est aussi un chrétien parmi les chrétiens. D’abord un baptisé. C’est la vocation commune de celles et ceux qui - parfois sans le savoir précisément ou après l’avoir un peu oublié-, ont suivi un appel intérieur de l’Esprit, se sont sentis aimés par le divin Passant Jésus de Nazareth, se laissent guider par les lumières de l’Evangile, y compris quand il fait sombre dans leur vie.

Et ces chrétiens et chrétiennes estiment que la communion de l’Eglise universelle est plus précieuse et plus forte que les aléas de son histoire, passée ou actuelle.

C’est notre honneur et notre bonheur, dans les rires et les larmes partagés, que, nous les prêtres, nous soyons surtout des chrétiens avec d’autres chrétiens. Oui, solidaires dans le pèlerinage de la sainteté baptismale, appuyés les uns sur les autres, en nous donnant la main au ras de l’Evangile, comme des parfaitement égaux dans la prière et la miséricorde, portés par l’urgence d’annoncer la Bonne Nouvelle au monde de notre temps.

Comme vous nous faites du bien, vous en particulier les laïcs hommes et femmes, quand nous sentons que nous sommes bien tous ensemble, sans fanfreluches ecclésiastiques ou hiérarchiques, pour mieux connaître, aimer et suivre notre ami commun Jésus le Christ, le Fils de Dieu et le frère de tous. On ne peut donc être chrétien que fraternellement, en égalité de vocation et de mission.

III.

Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur, et le premier sera l’esclave de tous.

Personne n’est à l’abri du cléricalisme. Même les apôtres, pourtant bien formés en parole et en exemples par Jésus lui-même, sont tombés dans le panneau. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous, dit ce même Jésus.

Servir comme prêtre, et donner sa vie en servant comme Jésus. La vocation particulière que nous avons ressentie, la consécration par l’ordination, les ministères de responsabilités et d’animation confiés en Eglise : tout cela est une litanie de grâces gratuites, une mise en service charismatique de notre humanité, une offre mystérieuse de générosités sacramentelles, à commencer par l’eucharistie. Mais jamais « rien que pour nous ou rien que par nous ».

Nous n’avons donc aucun privilège qui pourrait nous faire croire à je ne sais quelle supériorité sacrée.  Le secret de ce que nous faisons et de ce que nous sommes, c’est pour en faire une offertoire christique, sur l’autel de l’humanité et sur la patène de l’Eglis. Oui, là où le pain et le vin, fruits du travail des hommes et des femmes, deviennent corps et sang de Jésus, corps de l’Eglise aussi, et sang qui coule du cœur des pauvres, des souffrants et des exclus de notre terre.

Rien de tout cela ne peut advenir, et encore moins être célébré liturgiquement, sans que ce soit en communion avec tous les membres de l’Eglise, en solidarité avec toute l’humanité. Dans l’humilité du service sous toutes ses formes.

 Le bonheur du prêtre, c’est de contribuer avec vous - mais à sa manière singulière-, à proposer au monde la joie de l’Evangile, dans une espérance toute pascale. C’est la grâce que nous nous souhaitons les uns aux autres, dans cette célébration de louange et de nouvel envoi.                                  Claude Ducarroz

Pour et avec  Luc de Raemy  Payerne le 17 octobre 2021

 

 

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