Naître vieux et mourir jeune
Naître vieux et mourir jeune
C’est une bonne nouvelle ! Mais peut-être ne le
saviez-vous pas. Un être humain - comme vous et moi - naît vieux et meurt
jeune. En attendant la jeunesse éternelle.
A sa naissance, l’humain entre dans un monde déjà là,
fruit d’un long passé dans lequel il débarque, sans lui avoir rien apporté
jusqu’à ce jour. Il n’y a que de l’ancien, ce que d’autres ont fait ou laissé
avant lui. Le nouveau venu ne peut présenter que son existence, décidée par
d’autres -ses parents- avec un projet de vie qui reste entièrement à réaliser.
Pour le moment, rien d’original, qui porte sa marque ou sa signature.
Et puis la vie – la vraie- se déroule peu à peu. C’est
alors que les nouveautés surgissent, s’accumulent, forment un destin personnel et
fécond. Vivre, c’est augmenter le monde, c’est lui offrir du neuf, si modeste
qu’il soit, c’est ajouter de la bonté et de la beauté au paysage de l’humanité.
Il y a des traces qui s’effacent, mais d’autres demeurent. Le visage de la
terre se transforme sous la poussée inédite des vivants en évolution, des
humains en croissance dynamique et rayonnement d’amour. La vie est une montée,
tantôt laborieuse tantôt accélérée, vers l’enrichissement de l’univers par l’irradiation
d’hommes et de femmes fraternels.
A la fin du parcours, c’est la plus belle jeunesse, celle
de la moisson, celle de la vendange de l’amour. Tous ces « plus »
semés au gré du voyage humain forment un bouquet de fleurs multicolores et délicatement
parfumées. Le monde n’est plus le même qu’au début de ma vie. J’ai pu l’enjoliver,
ne serait-ce qu’un brin, par mon passage furtif. Mystérieusement, il est
peut-être plus beau, plus généreux, plus vivant. Plus jeune en somme. C’est
d’autant plus évident lorsqu’un homme et une femme ont pu non seulement donner
de leur vie, mais surtout donner la vie.
Prenons l’exemple de Mozart. Au jour de sa naissance –le
27 janvier 1756-, le monde était ce qu’il était, sans plus. Au jour de sa mort
- le 5 décembre 1791 à l’âge de 36 ans-, le monde était plus jeune grâce à lui.
Chaque fois que Mozart nous enchante ou nous console, c’est la force de son
génie créateur, en accentuant la beauté du monde, qui nous entraîne à monter
vers l’éternelle Splendeur.
Rassurez-vous ! Pas besoin d’être Mozart pour mourir
jeune après être né encore vieux. Il suffit d’aimer. Car l’amour vrai – surtout
distribué en petites monnaies quotidiennes- maintient jeune, de plus en plus
jeune. Ne fait-il pas passer de la mort à la vie, et non pas le contraire ?
Au point qu’un certain Jésus de Nazareth, par le passage
de sa Pâque, nous assure que ce que nous appelons la mort est plutôt une entrée
dans la vie éternelle, comme une ultime jeunesse qui éclora enfin au grand
soleil de l’Amour qu’est Dieu.
Claude Ducarroz
A paru dans InfoManoir septembre 2021
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