CANA. De l'eau! Et plus encore...
CANA
Jean 2,1-11
De l’eau ! Et plus encore…
RTS - 5
septembre 2021
Avez-vous
déjà eu soif ? Mais attention : vraiment soif ! Pas la bonne
soif, juste avant d’arriver au restaurant d’alpage lors d’une randonnée en
montagne. Pas la petite soif qui vous précipite vers le frigo pour arracher la
bouteille d’eau fraîche quand vous rentrez de courses un peu fatigantes. Non.
La vraie soif, celle qui vous laisse la bouche sèche, le ventre creux, avec votre
personne vidée d’énergie, assise au bord du chemin, pantelante sous le soleil
de midi.
Je parie
que ça ne vous est jamais arrivé, à ce point, ou alors très rarement, n’est-ce
pas ? Or c’est le sort de millions d’êtres humains -aussi humains que vous
et moi- à travers le monde. Une statistique nous dit que un tiers de la
population mondiale est privée d’eau potable. Autrement dit, on peut avoir très
soif, mais il reste déconseillé de boire de cette eau-là, non potable.
Bien sûr,
nos modestes soifs sont toutes respectables. Il nous faut boire suffisamment,
répètent les gardiens de notre bien-être, -et sans scrupule-, pour rester en
forme. Sans oublier de boire aussi à la santé des autres, dans des rencontres
joyeuses et des partages fraternels, surtout à la fin de nos tristes pénitences
covidiennes. L’eau d’ici est si bonne, n’est-ce pas ? quand on a frisé
l’au-delà.
Mais la
situation actuelle de la production et de la consommation d’eau potable à
travers le monde nous impose certains devoirs, dont tous les humains de bonne
volonté peuvent prendre conscience. La reconnaissance pour l’eau disponible, la
ferme décision de ne pas la gaspiller, la volonté de l’offrir à tous, à
commencer par celles et ceux qui n’en disposent pas, ou pas suffisamment, pour
mener une vie digne, personnellement, en famille, en peuple appelé à vivre
debout.
A
première vue, les convives de la noce à Cana, en Galilée au temps de Jésus,
semblaient bien loin de tels soucis. Dans l’euphorie de leur fête, il apparut
que le vin leur manquait davantage que l’eau. C’est qu’il y a encore d’autres
soifs que celles qui s’étanche avec du liquide commun.
La noce, c’est le besoin d’amour, c’est
l’espoir de la vie, c’est la gaité contagieuse, c’est la rencontre humaine,
sans barrières et sans frontières. La preuve ? On avait invité tout le
monde. Jésus, sa mère, sa famille, ses disciples étaient parmi les convives,
comme pour dire -selon l’évangile-, que l’Eglise doit partager sans retenue les
joies et les peines de toute l’humanité.
Y compris
l’embarras de ce jeune couple : « Ils n’ont plus de vin »,
remarque une femme, la mère de Jésus, sans doute plus attentive que beaucoup
d’autres à la gêne de ces mariés. Jésus lui-même se fait un peu prier, pas pour
un refus camouflé, mais pour faire monter la bonne fièvre du partage impliquant
le maximum de convives.
Marie
d’abord, elle insiste, c’est la femme, c’est la mère. Les servants ensuite,
plus que témoins : acteurs de la solution. Et surtout Jésus, celui qui
peut changer l’eau ordinaire de nos vies tout aussi ordinaires, en vin de fête
pour des soifs extraordinaires, celles qui nous habitent en profondeur, celles
qui pourraient nous ronger de l’intérieur, s’il n’y avait pas quelque miracle
d’amour tout proche de nous.
L’évangile appelle cela un signe. Plus
encore : la manifestation de la gloire de Jésus, l’entrée dans le mystère
de la foi pour ses disciples, un indice pour la future eucharistie, un avant-goût
de Pâques.
Dans nos
vies comme à Cana, Jésus peut faire l’essentiel, mais jamais sans notre
collaboration humaine, extraordinaire et ordinaire à la fois, comme l’eau banale
qu’il a changé en vin savoureux sous les énergies discrètes de l’Esprit. Et
avec quelle magnanimité, quelle surabondance ! Et pour l’eau et pour le
vin. Décidemment, Dieu est bel et bien le dernier en calcul parce qu’il est le
premier en amour !
Dans les
innombrables appels à changer l’eau du quotidien en vin d’un lendemain
meilleur, il y a de la place pour tout le monde. Les chrétiens savent -mais
d’autres religieux aussi- que Dieu veut pour toute l’humanité une existence
digne, avec l’eau du minimum vital, mais aussi avec un peu de bon vin pour la
fête, le bonheur du partage fraternel, et pourquoi pas ? la perspective du
banquet éternel dans le royaume de Dieu.
Dans les cuisines de ce monde, nous sommes
tous appelés par Dieu, -avec Marie et les autres disciples-, à faire quelque
chose, humblement mais aussi efficacement, pour relever le menu du passage sur
cette terre.
Le faire d’abord auprès de celles et ceux qui,
que ce soit chez nous, ailleurs et jusqu’au bout du monde, peinent à trouver un
sens à la vie, des opportunités de bonheur partagé, et même une espérance pour après
la mort.
En nous tournant en priorité, par exemple,
vers celles et ceux qui manquent de l’eau vitale, mais aussi de la liberté ou
du respect, nous pouvons, avec la grâce de Dieu, transfigurer un peu leur
condition humaine en un début de repas de noce.
Comme aux servants de Cana, c’est Jésus lui-même
qui nous dit maintenant, avec ce que nous sommes et ce que nous avons, si peu
que ce soit : « Maintenant puisez et portez-en aux autres », pas
seulement au maître du repas, mais à tous les convives humains, à commencer par
les plus nécessiteux de toutes sortes.
Il
suffit que ce soit donné avec amour, et ce signe de solidarité brillera aux
yeux des hommes. Et beaucoup croiront, non pas en nous, mais en Lui, le Père de
toute humanité, manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.
Claude
Ducarroz
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