Traditionnel? Traditionaliste?

 

Traditionnel ? Traditionaliste ?

Marc 7       22^ème dim. ordinaire

 

« J’aime tellement les traditions que j’en crée de n0uvelles ! » Le prêtre qui m’a dit cela un jour n’avait rien d’un révolutionnaire échevelé. Il était un ancien vicaire général de 85 ans.

Dans l’évangile de ce jour, le jeune éternel -qu’est Jésus Christ- remet la tradition sur la table de la discussion avec les coriaces pharisiens et scribes. Et ça tourne vite en polémique. Avec cette petite phrase presque assassine : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes ». Et toc !

 Et pourtant on peut donner un bon sens à ce mot controversé : la tradition.

C’est d’abord le désir ardent, la passion peut-être, et finalement l’acte responsable de transmettre à d’autres un trésor déjà reçu, ou peut-être acquis, parce qu’il a de la valeur, parce qu’il aide à vivre.

Tradition-Transmission !

Mais ça ne dit encore rien du contenu de ce trésor. Encore faut-il l’ausculter, le vérifier, le ré-évaluer de temps en temps.

Pour le chrétien « traditionnel » - et non pas traditionaliste-, ce trésor a un visage, un nom, un cœur ouvert par une lance, mais surtout un cœur vibrant des énergies pascales. C’est Jésus en personne, avec sa et ses paroles, avec les traces vives de sa présence au monde -les sacrements-, avec la fraternité sans barrières et sans frontières qu’il nous a laissé en héritage : l’Eglise.

Ce trésor-là, ces trésors pluriels, j’espère que nous avons tous, non seulement le devoir, mais la joyeuse passion de les faire connaître pour donner à d’autres l’envie de les vivre… avec nous, comme nous, et même mieux que nous.

Devant les diverses propositions de traditions, on ne peut faire l’économie d’un discernement, d’un examen critique, pour trouver toujours l’essentiel, le cœur vivant, le trésor caché qui mérite vraiment d’être partagé avec d’autres. Car, comme le disait le compositeur Gustav Mahler, « la tradition, c’est la transmission du feu, et non pas l’adoration des cendres. »

C’est que, inévitablement, même les trésors les plus précieux, au cours des siècles et par les aléas de l’histoire, se revêtent de culture, de coutumes, de déformations même. Oui, on peut déplorer parfois des habitudes collantes qui sont certainement respectables, mais doivent aussi être remises en question, dans des contextes nouveaux.

Quand on a fait le partage entre le nécessaire et le seulement utile, entre l’essentiel et l’accessoire, entre l’éternel et le contingent, il n’y a rien de sacrilège, ni même de révolutionnaire, à soumettre certaines théories et pratiques au scanner d’une critique respectueuses, quoique pertinente, sous la lumière de l’Evangile.

Il faut le faire avec prudence, mais aussi avec lucidité, si possible dans un partage communautaire, avec l’accompagnement de la prière, pour aboutir à des décisions qui peuvent être audacieuses, mais demeurent équilibrées.

C’est ce qu’a fait le concile Vatican II dans notre Eglise, à l’invitation de Jean XXIII qui prônait une Eglise assez courageuse pour oser se regarder dans le miroir de l’Evangile.

 C’est ce que le pape François souhaite continuer d’accomplir, à dose homéopathique, par des réformes inscrites au programme de son ministère. Toujours en nous rappelant qu’il nous faut sans cesse invoquer l’Esprit, celui qui guide l’Eglise et parle à son cœur.

Or le pape vient de nous inviter à nous mobiliser tous, en préparation d’un prochain synode -justement sur la synodalité, à savoir une pratique plus communautaire de l’autorité dans l’Eglise. Il nous demande d’y collaborer dès maintenant, en participant activement par nos prières certes, mais aussi par l’expression libre et responsable de nos fidélités essentielles, comme de nos désirs de réformes pour notre Eglise.

N’allons pas manquer cette opportunité offerte par notre pape, très soucieux de l’avenir de notre Eglise. Oui, soyons disposés à être avec lui des « traditionnels » sans être des traditionalistes, à savoir des chrétiens heureux de transmettre le feu au lieu d’adorer les cendres.

Claude Ducarroz