Femmes soumises? A revoir!

 

Femmes soumises ?

Tous les trois ans, à la faveur du 21ème dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique B, revient le fameux texte de saint Paul (Ephésiens 5,21-32) consacré à la juste relation « homme-femme » dans les couples chrétiens. C’est peu dire qu’il énerve les milieux plus ou moins féministes, car il pose aussi de graves questions au sein-même des pieuses communautés d’Eglise. Promouvoir la soumission de la femme à son mari sous prétexte qu’il est sa tête, voilà qui met mal à l’aise, jusqu’à la critique acerbe, jusqu’au rejet indigné. N’y aurait-il pas dans une telle affirmation la source de l’antiféminisme chrétien qui fit tant souffrir de nombreuses femmes à travers les siècles ? Paul antiféministe : c’est devenu un slogan indéfiniment ressassé. Il vaut donc la peine d’y aller voir de plus près.

Je lance la pierre dans la marre : ce texte est révolutionnaire, mais à deux conditions de lecture.

Il faut d’abord reconnaître que le propos de Paul n’est pas de fomenter une révolution dans la société de son temps dont on sait qu’elle était résolument patriarcale. L’apôtre se trouve en face de jeunes communautés chrétiennes immergées dans cet environnement païen. Il fallait en urgence trouver des solutions éthiques qui correspondent à une existence menée « par respect pour le Christ », mais compte tenu du contexte contemporain.

Or, si l’on y regarde de plus près, les conseils -et même les ordres- donnés par le célibataire Paul manifestent, de fait, une nouveauté très courageuse, voire subversive.

Première audace, très théologique : le couple marié est situé d’emblée dans l’expérience d’un grand « mystère », ce qui finira par constituer le cœur du sacrement de mariage. La référence ultime de la relation entre époux n’est rien moins que la relation du Christ avec son Eglise. Un beau et sacré défi à relever !

 Si le Christ est la tête de l’Eglise, l’époux peut se prévaloir d’une certaine autorité, et l’épouse doit se soumettre à quelque devoir de soumission. On peut y voir une certaine concession aux coutumes du temps. Mais la façon dont cette relation est décrite la fait exploser de l’intérieur par les exigences évangéliques. Paul insiste beaucoup plus sur les obligations du mari chrétien que sur les devoirs de sa femme.

Faites le compte : le mari doit aimer sa femme comme son propre corps, il doit la nourrir et prendre soin d’elle, en faisant tout pour la sauver, jusqu’à se sacrifier pour elle. Pourquoi ? Un époux chrétien doit être comme un « autre Christ » avec sa femme, en imitant auprès d’elle et pour elle les qualités de l’amour de Jésus pour son Eglise. Si ce n’est pas merveilleux…et très exigeant !

Il reste, il est vrai, cette notion de soumission qui peut choquer dans notre mentalité actuelle. Relevons d’abord que, pour saint Paul, cette soumission doit être réciproque, et non pas unilatérale. Par ailleurs, elle est transfigurée par un amour à l’image de celui du Christ.

Mais on ne peut ignorer que, dans l’histoire, cette injonction de soumission a provoqué bien des souffrances, jusqu’à certains esclavages plus ou moins enfouis dans la cohabitation conjugale, de la part d’hommes indignes qui sont allés jusqu’à trouver de telles mœurs normales, voire bénies. Il faut le déplorer. En ce sens, il y a quelque chose de chrétien dans la révolution MeToo qui lutte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression de la femme.

Et puis, reconnaissons que la nouvelle morale du respect intégral promue par le Christ devrait transfigurer toutes nos relations humaines, et pas seulement celles qui concernent les rapports homme-femme dans l’intimité familiale.

C’est dire que nous devons sans cesse réinterroger la qualité des interactions humaines dans les collaborations de ministères et de rencontres en Eglise. Le Christ n’est pas venu établir entre nous des hiérarchies pesantes, ni le cléricalisme autoritaire, ni l’obéissance aveugle. Il a fondé une fraternité universelle. Dans le contexte tyrannique de la société de son temps, qu’il n’a pas craint de dénoncer, il a répété qu’ « il ne doit pas en être ainsi parmi vous »…car « vous êtes tous frères »…et sœurs évidemment ! (Cf Mt 23,5-12).

Les différences de compétences, de charismes et de services ne doivent être prétexte à aucune supériorité arrogante les uns sur les autres, rappelle le même saint Paul dans la même épître aux Ephésiens, parce que « nous formons un seul Corps dans un même Esprit… puisqu’un seul Dieu et Père de tous règne sur tous, agit par tous et demeure en tous. » (Ep 4,4-6).

C’est beau, une Eglise de fraternité. Ce serait encore plus beau si elle l’était vraiment.

Amen ! Ainsi soit-il !

 

Claude Ducarroz

 

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