A la mémoire de +Léon Chatagny

 

Homélie

+Léon Chatagny

 

« C’est Pâques ! », telle est la dernière parole que Léon a susurré à mon oreille quand je prenais congé de lui, à son chevet à l’hôpital. Et il a ajouté : « Tout est dit ».

Oui, tout fut dit dans ce dernier soupir de Pâques. Alors, faut-il encore ajouter autre chose au moment de ces adieux, de cet à-Dieu ?

Notre humble Léon voulait une célébration simple. Il nous pardonnera cependant de troubler son silence par quelques paroles qui surgissent directement de nos cœurs reconnaissants et fraternels.

Léon était un petit homme, mais un grand humain. Quand il a quitté ce monde -dimanche vers 13 heures-, nous venions de lire à nos messes cette phrase tirée du prophète Amos  - reprise pour la lecture de cette liturgie - : « Je n’étais pas prophète, mais un simple bouvier. Le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau. Et le Seigneur m’a dit : « Va, tu seras un prophète pour mon peuple. »

Avant d’être un pasteur prophète en Eglise, Léon était le fils et le frère d’une belle famille humaine, là-bas, du côté de Corserey. Il nous a dit tout ce qu’il lui devait, et nous avons admiré, avec lui et pour lui, toute cette solidarité pleine d’affection et de délicatesse. Quant à ce que votre famille doit à Léon - sans oublier Hubert évidemment -, je n’insiste pas. Vous l’avez exprimé vous-mêmes par les voix émues de Gemma et Philippe.

 

 

Ce que nous pouvons ajouter, c’est ceci, avec la même reconnaissance que vous : Léon nous a fait à tous beaucoup de bien, justement par sa grande humanité, dans l’humilité de sa générosité, dans l’efficacité d’une présence rayonnante. Il ne parlait pas beaucoup, mais il faisait ce qu’il disait, personnellement et collectivement. Inoubliable.

Hélène et Marianne ont souhaité que soit lu l’Evangile des Béatitudes. On devine bien pourquoi. C’est encore une manière discrète de tracer le portrait de Léon, à la fois comme humain et comme chrétien, inséparablement. Les couleurs des Béatitudes conviennent bien pour dessiner le Léon tel qu’il restera gravé dans nos mémoires de gratitude, sans chercher à le canoniser évidemment. L’esprit de pauvreté, la lutte pour la justice et la paix, la miséricorde qui n’exclut personne, et surtout pas celles et ceux que la société trop souvent abandonne au bord du chemin, ou que même notre Eglise semble parfois exclure.

Ces Béatitudes -cœur de la Bonne Nouvelle confiée au ministère des prêtres -mais pas seulement à eux évidemment-, voici qu’elles nous ramènent à la vocation presbytérale de Léon. Pour la joie de son beau service, et aussi parfois pour ses douleurs, Léon était un prêtre fils du concile Vatican II. Durant 54 ans de ministère dans les 4 cantons de notre diocèse, il s’est mis généreusement à disposition de notre Eglise pour faire passer, dans le cœur des personnes et jusque dans les structures des communautés, l’esprit de Vatican II.

 Il a œuvré avec persévérance, - non sans passer par des épreuves, comme le prophète Amos - pour l’annonce de la Parole de Dieu, pour une Eglise synodale plutôt que cléricale, pour la promotion de l’apostolat des laïcs, pour l’œcuménisme, y compris sportif.

Et aussi pour l’engagement des chrétiens et des Eglises dans les grandes questions de société, qui conditionnent l’avenir d’une humanité solidaire et fraternelle en ce monde, en attendant le Royaume de Dieu.

Sur ce chemin, encore à l’hôpital, il m’a répété tout ce qu’il devait au Jésus de l’Evangile d’abord, mais aussi à Charles de Foucauld - pour la fraternité universelle – et à Maurice Zundel - pour la communion avec un Dieu intérieur à toute personne.

On dit parfois du prêtre qu’il est un homme d’Eglise. A condition de ne pas oublier tous les autres baptisés, hommes et femmes, à égalité d’Evangile et d’Eglise.

 Léon a aimé l’Eglise. Il a servi en elle et avec elle, dans la fréquentation et l’explication de la Parole, dans la célébration des sacrements, dans l’animation priante des communautés. Mais son amour était aussi exigeant, une sorte de solidarité critique, qui a pu étonner parfois. Appuyé sur la sincérité de son investissement personnel, il pouvait s’exprimer avec force, mais jamais sortir les griffes, avec lucidité, mais sans blesser, dans la vérité d’un enfant de Dieu appelé à la liberté. Il m’a dit par exemple : « Notre Eglise est malade, mais le peuple de Dieu est en bonne santé. »

Et désormais, toutes choses sont rassemblées dans la miséricorde qui est toujours le dernier mot divin sur toute vie humaine. Nous confions Léon à la Pâque de Jésus. Oui, à la Pâque qu’il a annoncée aux autres, à celle qu’il a espéré pour lui, à celle que le Christ vivant tient en réserve pour nous tous.

Léon m’a dit qu’il avait pris conscience à l’hôpital combien il était important, évangéliquement parlant, d’accepter de se laisser laver les pieds par d’autres en toute humilité.

Léon, ton frère et ami Jésus de Nazareth, a ceint maintenant le tablier de service - comme celui de ta maman Esther, comme celui de ta sœur Hélène - pour t’accueillir en personne à la maison, dans sa maison.

T’accueillir toi, le bon et fidèle serviteur de son dessein d’amour et de salut. Être accueilli par lui, le Maître et le Seigneur de vie et de joie éternelles.

Merci Léon. Prie pour nous. C’est beau, la communion des saints dans la demeure du Père, dans le cœur de Jésus et dans le souffle de l’Esprit.

 

Claude Ducarroz

 

 

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