Homélie pour temps de tempête
<Homélie 20 juin 2021
12ème dim. Temps ordinaire
Tempête ! Ce mot peu rassurant figure dans la
première lecture, dans le psaume et dans l’évangile de ce dimanche. C’est dire
qu’il y a de l’ouragan dans l’air liturgique de ce jour.
Au livre de Job, Dieu met au défi son serviteur en se présentant
comme seul maître de la mer et des flots. Au psaume 107, l’auteur veut susciter
à la fois l’émerveillement et la confiance du croyant, à la vue du Seigneur qui
domine les éléments en furie et sauve les marins en perdition. Quant à
l’évangile, il raconte une tempête apaisée par Jésus.
Evitons d’abord une erreur d’aiguillage.
Comme tous les textes des évangiles, celui-ci pointe
d’abord sur Jésus, son mystère, les divers chemins de foi que l’on peut
emprunter pour mieux le connaître et lui faire pleine confiance.
Le point d’orgue
aujourd’hui s’exprime ainsi sous la forme d’une question : « Qui est
donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
Avec cette autre interrogation en retour, de la part de Jésus :
« Pourquoi avez-vous si peur ? N’avez-vous pas encore la
foi ? »
Pitié, Seigneur, car ce n’est pas si facile pour nous,
quand nous traversons nos tempêtes.
Et elles ne manquent pas. Aucune vie humaine ne peut prétendre
voguer sans problèmes comme un voilier serein sur la mer de la tranquillité.
Il y a les tempêtes des épreuves physiques ou psychiques.
Il y a les orages soudains, et parfois violents, dans nos relations, y compris
dans les couples et les familles. Il peut y avoir des tourmentes dans nos
milieux de travail ou de voisinage. Et puis, pour soi ou pour celles et ceux
que nous aimons, il y a nécessairement la tempête de la mort, avant l’arrivée
au port du salut.
Même dans les
communautés religieuses, tout n’est pas toujours au beau fixe. Et puis - nous
sommes placés pour le savoir par les temps qui courent-, dans l’Eglise
elle-même, des tornades, voire des raz de marée, semblent parfois tout emporter
sous les effets ravageurs des abus ou des scandales.
Ne peut-on pas se retrouver dans la description sans
édulcorant de l’évangile ? « Survint une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien
que déjà elle se remplissait. » Mais le plus déconcertant se trouve
peut-être dans la phrase suivante : « Jésus dormait sur le coussin à
l’arrière ».
Pas de panique cependant. D’une part, Jésus s’est
embarqué avec les disciples dans leur barque à eux. Et si c’était justement la
barque de l’Eglise ? Ne doit-on pas en conclure qu’il reste avec nous toujours,
là où nous sommes et comme nous sommes, même dans la nuit des épreuves, même
dans les tempêtes de l’existence.
Quand nous avons l’impression qu’il dort, quand il semble
sourd à nos prières, il est quand même là. Il ne faut jamais se décourager de l’appeler
pour qu’il se réveille.
Il nous est permis de dire comme les disciples.
« Maître, nous sommes perdus. Cela ne te fait rien ? » Tant que
nous prions - et pourquoi pas avec larmes et cris ?- nous sommes à l’intérieur de la même barque,
en communion avec Jésus.
Lequel aussi, un
certain autre jour de tempête personnelle, n’a pas craint de crier vers le
Père : « Père, que ce calice s’éloigne de moi… Mon Dieu, pourquoi
m’as-tu abandonné ? »
Et l’exaucement a
commencé par la force qu’il reçut de pouvoir conclure ainsi : *Père, je
remets ma vie entre tes mains*. En attendant la réponse définitive, le cadeau
de Pâques, la résurrection et sa gloire.
Et nous donc, en attendant notre Pâque annoncée et
espérée ?
Garder nos yeux fixés sur Jésus, nous cramponner à sa
parole et à sa présence de discret compagnon de toutes nos traversées, jusqu’à
l’autre rivage. N’est-il pas, lui, l’ami fidèle de tous nos pèlerinages de vie ?
Finalement le Seigneur n’est-il pas plus fort que tous les vents contraires,
que toutes nos tempêtes de corps, d’esprit et d’âme ?
Parce que, quoi
qu’il puisse nous arriver, son amour aura toujours le dernier mot, sa Pâque
sera toujours notre port d’arrivée, sur l’autre rive de nos existences plus ou
moins ballotées par les tangages de notre passage en ce monde.
En ce dimanche consacré à la solidarité avec les
réfugiés, je ne peux m’empêcher de penser très fort aux drames que vivent ces
malheureux, précisément en tentant de traverser les mers sur des embarcations
de détresse, qui parfois les conduisent à périr dans des naufrages transformant
la si belle Méditerranée en un cruel cimetière marin.
Qu’au moins nous soyons solidaires et accueillants pour
celles et ceux qui parviennent jusqu’à nous, ces rescapés des tempêtes de la
misère et de l’oppression, nos compagnons de la même embarcation humaine, et
surtout nos frères et sœurs de la même communion en Christ.
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