Chères mémoires, en famille...

 

Homélie

 6 juin 21

Mc 3,20-21 et 31-35

En mémoire de Gérard Ducarroz + 24 janvier 2021

 et + Jacques Ducarroz 5 juin 2001

« Jésus, par sa mère, était de très bonne famille », me dit fièrement un jour une dame qui s’estimait elle-même d’excellente famille. Je lui répondis « Par son père aussi, bien qu’il fût seulement un modeste charpentier de Nazareth, ce village dont on disait que rien ne pouvait sortir de bon ». Sans compter son Père du ciel qui, selon notre foi, est certainement le meilleur de tous.

Mais l’évangile de ce dimanche nous prouve que, même dans les meilleures familles, il peut y avoir des problèmes et des tensions.

Au départ -vous l’aurez remarqué-, Jésus vient « à la maison », mais ce n’est pas celle de Nazareth, c’est la maison de ses amis, les disciples et les apôtres, là où il peut même rencontrer les foules. Il est passé de la maison de sa famille d’origine, à la maison de sa vocation, plus ouverte, plus large, un espace pour sa mission universelle, au grand courant d’air de l’Esprit.

Ce changement – une sorte de rupture- n’est pas facile à accepter ni simple à réaliser. C’est comme une deuxième naissance. C’est pourquoi les familiers de Jésus essaient de le ramener à la raison- et aussi chez lui à la maison- en estimant qu’il a perdu la tête. Marie et ceux qu’on appelle « ses frères » arrivent à leur tour. Tout en restant dehors -un signe de respect-, ils le font demander.

Et c’est là que, nous aussi, nous entrons en scène. D’abord par un regard qui enveloppe d’amour les gens assis en cercle autour de lui, Jésus dit : « Voici ma mère, voici mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, voici mon frère, ma sœur, ma mère. » Oui, même sa mère.

 La nouvelle famille de Jésus, c’est nous, c’est l’Eglise et finalement toute l’humanité. Telle est la surprenante fécondité de ce célibataire très spécial qu’est Jésus, le messie d’Israël et le sauveur du monde.

Pour avoir le dernier mot de cette révolution planétaire, il faut nous retrouver au jour de Pentecôte. Marie est de nouveau là, avec les frères et surtout des femmes, pour lancer définitivement l’Eglise dans l’aventure de l’histoire humaine, la nôtre, sous le grand souffle de l’Esprit. C’est parti pour cette Eglise à la fois apostolique et mariale, avec une mission très claire : « De toutes les nations, faites des disciples ». L’Eglise est catholique, autrement dit inclusive, universelle, accueillante à tous.

Comment ne pas lire entre les lignes de cet Evangile, l’histoire -et aussi les histoires- de nos familles ? Pensons à nos enracinements profonds – jusque dans la glèbe de nos champs-, nos Nazareth à nous ; oui, de là où nous venons, souvent de la campagne, mais aussi là où nous avons planté les nouvelles tentes de nos familles fondées ailleurs, tout près ou au loin, pourvu que ce soit dans l’humus d’un grand amour.

Et puis la vie est aussi faite d’exodes – et pour certains même d’exils- dans de pénibles nécessités parfois, ou dans de joyeuses opportunités. Quand on est de belles fleurs, il fait bon essaimer ailleurs pour donner de beaux fruits de foi, d’espérance et d’amour, les éternelles couleurs de l’Evangile, qui souhaite parfumer ainsi nos familles.

Mais nous ne devons pas oublier notre terre d’origine, là où reposent dans la paix celles et ceux à qui nous devons tant, à savoir la vie, le mouvement et l’être, ces cadeaux de Dieu qui passèrent par leur générosité, leurs labeurs, leurs joies et leurs peines, leurs prières aussi. Autant de signes de leur humble et immense amour. Merci ! c’est la moindre des reconnaissances. Et si possible, faire honneur à leurs dons, à leurs renoms et à leurs noms.

En ce jour béni, nous les ranimons dans notre mémoire, nous les remercions pour leurs qualités, et même leurs défauts. Et nous les confions à Celui qui reconstitue toujours nos familles – de plus en plus élargies, au fur et à mesure de nos deuils-, après l’eau bénite de nos larmes, dans les rayons pascals de sa gloire partagée. Là, tout est rassemblé, tout est réconcilié, tout est pardonné et finalement tout est transfiguré.

Et pour marcher courageusement vers ce royaume, en attendant les revoirs espérés, cultivons les souvenirs émus de leurs visages singuliers, de leurs sourires lumineux, de leurs sanglots en cachette – parfois à cause de nous-, de leurs mains pétries par le travail, des partages de leur culture, des battements de leur cœur, si souvent pour nous, nos enfants, nos petits-enfants, dans la mystérieuse danse des générations.

Ajoutons maintenant à nos souvenances silencieuses, une prière avec eux et pour eux, en les confiant, avec nous et tous les nôtres, au Père de toute miséricorde, au Seigneur de Pâques, à l’Esprit qui fait converger toutes nos rivières de vie vers l’océan de son Amour.

                                                               Claude Ducarroz

 

 

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