L'après-Emmaüs

 

Homélie

3ème dimanche de Pâques 2021

Et après ? Après quoi ? me direz-vous.

Selon l’évangile de ce dimanche : après Pâques, et après l’eucharistie, donc la messe, donc tout-à-l’heure.

Ce n’est pas un scoop, mais c’est une bonne nouvelle : nous sommes désormais après Pâques. C’est irréversible, c’est définitif, « une fois pour toutes », dit l’épître aux Hébreux. Que nous le sachions ou non, que nous y croyons ou non, nous sommes bel et bien dans un monde nouveau, marqué à jamais par la victoire du Christ sur la mort, ce dernier ennemi qu’il a terrassé le matin de sa résurrection.

 Pas pour se mettre personnellement du bon côté de la vie, à savoir celle qui devient heureuse et éternelle. Mais pour nous entraîner avec lui dans cette dynamique pascale qui déjà nous montre des signes du printemps de Dieu parmi nous, une énergie spirituelle qui nous emportera un jour dans la pleine lumière de sa gloire, quand nous aurons passé la mort avec Jésus.

Des signes, oui, mais encore soumis à l’obscurité de la foi et aux choix de notre liberté.

Vous l’aurez remarqué : quand Jésus se rend présent au milieu de ses disciples au soir de Pâques, tout ne devient pas évident du premier coup. Ils sont saisis de frayeur et de crainte, ils croient voir un fantôme, ils n’osent pas y croire et restent paralysés par l’étonnement.

 

 Une fois de plus, il doit leur montrer ses mains et ses pieds encore marqués par les cicatrices de la crucifixion, pour que baisse en eux la garde du scepticisme et de l’incroyance. Avec toujours quelques Thomas en embuscade pour faire de la résistance à la foi.

Dans notre monde post-pascal, ne soyons pas étonnés de constater, peut-être aujourd’hui plus que jamais, que la foi ne soit pas une évidence, que bien des questions demeurent - même quand nous croyons-, qu’il faille parfois tout un cheminement intérieur pour sortir des brouillards des doutes et des hésitations.

 Croire est toujours une immense grâce, une sorte de miracle au carrefour d’un rayon de l’amour de Dieu et d’un humble oui de notre liberté ; une rencontre heureuse certes, mais toujours surprenante, et qui le reste, entre un mort vivant qui nous dit : « C’est bien moi, regardez, touchez », et nos esprits pas très intelligents, avec nos cœurs encore bien encombrés de non-essentiel.

Ecouter, regarder, toucher : ce contact - personnel et communautaire à la fois-, Jésus a l’art de le provoquer et de l’offrir au cours d’un repas. Ce fut le cas à Emmaüs, après tout un voyage sans grand succès missionnaire, car c’est seulement à la fraction du pain qu’ils le reconnurent.

 Et dans l’évangile de ce dimanche -qui prolonge celui d’Emmaüs-, c’est toujours à un repas que Jésus invite ses amis, pour affermir leur jeune foi, encore bien chancelante. « Avez-vous quelque chose à manger ? leur dit-il.

Mais attention ! pas un quelconque pique-nique entre copains heureux de se retrouver. Le partage fraternel est enrobé de paroles essentielles, puisqu’il « ouvrit leur intelligence à la compréhension des Ecritures », en leur rappelant ce qu’il leur avait déjà dit auparavant.

A travers ce rappel, nous sommes donc ramenés à l’eucharistie, concrètement à la messe que nous célébrons maintenant. Avec Jésus, surtout ressuscité, c’est un peu toujours la même chose.

 Il se rend présent au milieu de nous quand nous sommes réunis en son nom, il nous parle dans les Ecritures expliquées, même s’il nous reste encore des questions et des obscurités, par exemple à cause des épreuves causées par la vie, voire des déceptions causées par l’Eglise.

Quelle délicatesse en ce Jésus qui marche, comme sur le chemin d’Emmaüs, au rythme de nos lenteurs d’esprit et de nos froideurs de cœur. Quelle patience !

 Parce qu’il frappe à notre porte, sans jamais l’enfoncer.

Parce qu’il ne veut pas célébrer son repas pascal sans notre libre participation.

 Parce qu’il attend que nous apportions quelque chose de nos personnes, de notre travail, de nos relations, de nos vies ordinaires, pour en faire les signes de sa présence à lui, par son corps toujours offert, par son sang toujours versé pour notre salut et celui de toute l’humanité. « Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. »

Mais en même temps, dans la logique de son amour et du respect qu’il manifeste à notre égard, il compte sur nous pour la suite de l’aventure évangélique, à la fois merveilleusement divine et profondément humaine.

Pour que ce monde nouveau soit proclamé en son nom à toutes les nations, il ajoute : « A vous d’en être les témoins. »

 

Et voilà l’après Pâques, l’après messe : nous sommes entrés humains, ce qui est déjà le signe d’un amour divin, nous repartons témoins pascals, chargés de mission au cœur du monde, et d’abord dans toutes nos relations, au jour le jour de nos rencontres qui doivent devenir, à partir de simples visites, des visitations de Dieu à travers nous.

Celles et ceux qui nous verront au sortir de la cathédrale, ou plus tard dans nos occupations les plus banales, vont peut-être se dire, voire nous dire : « Ah ! vous êtes encore des pratiquants. »

 Il n’y a aucune autre réponse à exprimer, que celle-ci : mettre en pratique.

Claude Ducarroz

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