Les pièges de la nostalgie
Les pièges de la nostalgie
« On en a marre. Vivement que s’en aille ce méchant
virus ! Qu’on puisse enfin retrouver la vie d’avant ! »
J’entends souvent autour de moi cette complainte
devenue…virale. Je comprends ce gémissement, je partage ce vibrant espoir.
Surtout quand je pense aux personnes qui ont beaucoup souffert de la pandémie
dans leur corps, dans leurs relations, dans leur entreprise. On ne peut
l’oublier : le Covid laisse sur son noir passage des handicapés de
plusieurs sortes, des blessés et même des morts.
Mais faut-il pour autant désirer simplement un retour à
la situation antérieure pour retrouver le bonheur et la prospérité de
jadis ? D’ailleurs est-ce possible quand on se trouve, du moins pour certains,
devant un tel champ de ruines ? Et plus profondément : est-ce vraiment
souhaitable ?
Face à une crise grave -n’a-t-on pas parlé de
guerre ?-, plusieurs attitudes sont possibles. Rêver de refermer le plus
rapidement possible cette vilaine parenthèse, et se lover à nouveau dans les
conforts d’antan, comme si tout était parfait auparavant, comme si l’on n’avait
aucune leçon à tirer de cet épisode malheureux. La nostalgie rampante devient
alors le passage obligé vers la consolation plutôt que vers la reconstruction.
Mais est-ce bien cela la sagesse, celle qui s’éclaire à
la lueur des expériences vécues, même si elles furent teintées de douleurs ou
de désespoir ? On ne sort pas d’une telle épreuve comme on y est entré,
car ce virus -dont la venue n’incombe à aucune personne particulière- est en
réalité un grand signal de feu qui brûle encore sur notre horizon humain
collectif. Saurons-nous lire ce signe des temps, de notre temps ?
Chacun est invité à passer par cette relecture à titre
personnel, en fonction des évènements traversés. Il faudrait cependant ne pas
oublier que chez nous, même dans le creux de l’ouragan, nous étions encore du
bon côté de l’humanité en souffrance.
Et puis il faut maintenant honorer tous les efforts
accomplis pour alléger les souffrances par des progrès scientifiques et techniques,
mais surtout par des sursauts de solidarité et de compassion. Pas en nidifiant
dans certaines ornières de repli sur soi, d’indifférence facile ou de confort béat.
Il y a tellement mieux à faire et à vivre, pour aujourd’hui déjà et surtout
pour demain.
Dans l’après
Covid, il y a beaucoup à remettre en question, pour notre santé et pour notre
salut. On ne peut pas conduire sa vie personnelle, organiser la société, gérer
l’économie, manager la démocratie, promouvoir les solidarités, s’investir dans
l’écologie…comme avant, comme si de rien n’était. Ou alors on aura manqué le
rendez-vous d’une belle et nécessaire résilience, on aura aggravé l’état
sanitaire de l’humanité en donnant des placebos pour soigner nos maladies, à
commencer par celles de l’âme et du cœur.
Cette pandémie, en vérité, ouvre dès maintenant un
nouveau chantier d’humanisation au firmament de notre Histoire. Avec beaucoup
d’exigences certes, mais surtout avec une immense espérance.
Oui, on peut en sortir meilleurs, chacun de nous et tous
ensemble.
Claude Ducarroz A
paru le 3 mars 2021 sur le site cath.ch
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