L'effet Becquart au Vatican
L’effet Becquart
Est-ce une (petite) révolution dans l’Eglise
catholique ? Est-ce seulement un placebo administré pour calmer les
récriminations des milieux féministes catholiques ? L’avenir le dira.
Incontestablement, en nommant la religieuse française Nathalie Becquart au poste
de sous-secrétaire du synode des évêques, le pape François a donné un certain
signal. Désormais, dans cette assemblée hautement hiérarchique, une femme aura
le droit de voter pour la première fois.
Mais cette innovation bienvenue ne doit pas occulter une
situation plus ordinaire et très paradoxale. Dans l’Eglise catholique, les
femmes forment -de loin- le plus fort contingent des chrétiens engagés
généreusement dans la pratique liturgique, dans la catéchèse, dans l’animation
des communautés et dans le bénévolat social. Or elles sont quasi absentes de
toutes les instances de décision réglées par le droit, lesquelles sont strictement
réservées aux hommes « ordonnés », à savoir les évêques et les
prêtres.
Pourquoi ? Il ne suffit plus de dire qu’il en fut
toujours ainsi et que, par conséquent, on ne peut ni ne doit rien y changer.
Affirmer que le Christ l’a voulu de la sorte, c’est faire fi des
conditionnements sociaux et religieux dans lesquels l’Evangile a été proclamé
et écrit. C’est passer sous silence l’admirable exemple de Jésus qui fit montre
de tant de respect et surtout d’audace prophétique dans ses relations avec les
femmes. Toutes les femmes. *
Revendiquer les pratiques de l’apôtre Paul ne plaide nullement
pour une quelconque éviction à laquelle il faudrait soumettre les femmes. Dans
la gestion courante des communautés, il a proposé quelques mesures de discipline
occasionnelle, mais dans les principes fondamentaux il fut clairement égalitaire.
N’a-t-il pas répété que, face à la nouveauté radicale apportée par le Christ,
aucune discrimination ne pouvait se justifier, et surtout pas celle qui exclurait
la femme de quoi que ce soit dans la vie de l’Eglise, sous prétexte qu’elle ne
serait pas un « humain » comme les autres baptisés ? *
Il faut bien le reconnaître. Des siècles d’antiféminisme,
dans la société comme dans les religions, nous permettent de comprendre - sinon
d’excuser- les exclusions qui subsistent dans l’Eglise catholique. Face au
réveil d’un certain féminisme sociétal, on mesure mieux actuellement combien le
cléricalisme et le patriarcat se donnent la main comme des complices masqués, qu’il
convient de combattre avec urgence.
Au concile Vatican II (1965), avec lucidité et courage,
l’Eglise catholique a proclamé que « toute forme de discrimination
touchant les droits fondamentaux de la personne…fondée sur le sexe… doit être
dépassée et éliminée comme contraire au dessein de Dieu. » Il serait temps
que notre Eglise applique d’abord une si juste maxime dans toutes les instances
de sa gouvernance interne, avant de la promouvoir dans la société civile. Le
rayonnement de l’Evangile ne peut qu’y gagner.
Dans tous les ministères, qui sont d’abord des grâces
pour mieux servir, hommes et femmes doivent se retrouver à égalité de devoirs
et de droits, en apportant leurs charismes propres et complémentaires pour
manifester le véritable Esprit du Christ.
Au moment où un certain immobilisme semble en marche dans
notre Eglise -et comment l’arrêter ? - je souhaite bonne chance à l’effet
Becquart pour que, de proche en proche, les femmes soient mieux reconnues pour
ce qu’elles sont déjà, et plus appréciées pour ce qu’elles peuvent encore donner.
Claude
Ducarroz Jésus l’homme qui préférait les
femmes Christine Pedotti Albin Michel 2018
Les femmes de
saint Paul Chantal Reynier Cerf 2030 A paru dans Le Temps
10.03.21.
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