Présent et avenir des ministères dans l'Eglise catholique

 

Exercice de l’autorité dans les ministères catholiques

Marc 3,13-21

Synthèse d’une conférence

1.    Les sources

Quelques convictions de base

Le Christ Jésus  

a été envoyé par Dieu pour sauver le monde par amour en vue du Royaume ( Jn 3,16-17)

a été consacré par l’Esprit pour proclamer l’autorité de l’Evangile libérateur  (Lc 4,19 et 21)

est devenu Seigneur et grand Prêtre de l’Alliance nouvelle par le mystère pascal  (Hébreux)

s’est manifesté comme serviteur de Dieu et sauveur de l’humanité  (Jn 13,1-20)

a rassemblé, instruit et envoyé des apôtres et des disciples pour témoigner de sa venue et de sa mission ( Mt 28,16-20)

Au terme de son ministère parmi nous, l’Eglise a surgi comme le nouveau peuple de Dieu ( I P 2,10) par les énergies de l’Esprit de Pentecôte (Ac 2)

Elle est composée de baptisés-consacrés formant en ce monde le corps du Christ (I Co 12,27), le temple de l’Esprit (II Co 6,16), une koinonia fraternelle (Ac 2,42), un peuple sacerdotal et prophétique (I P 2,9) en mission de témoignage pour l’Evangile (Ac 1,8)

 Cette Eglise accomplit sa mission en annonçant la Parole, en célébrant la mémoire vive du Christ, en rayonnant de son amour par des actions de service, dans la communauté chrétienne et au cœur de la société humaine, en tension féconde vers le Royaume à venir ( Ac 2,42-47)

Selon le témoignage des Ecritures du Nouveau Testament, ces communautés sont organisées et équipées

 - par le service des apôtres et des prophètes fondateurs (Ep 2,20)

- par un foisonnement de ministères variés, créés selon les besoins concrets, dans la pluralité des modèles et des figures (I Co 12,4-11)

- par l’institution progressive de structures Cf. les épiscopes, les presbytres et les diakonoï (Ph 1,1 ; I Tm 3 et 5) assumées par des personnes établies liturgiquement (prière à l’Esprit et imposition des mains ( I Tm 4,14 et II Tm 1.6), et toujours en lien avec les communautés qu’elles servent, pour le discernement et la reconnaissance.

Conclusion

Opérant dans des milieux culturels et religieux différents, ces services manifestent l’utilité d’avoir des « leaders » de communautés (hommes et femmes) qui évoluent selon des formes adaptées et donc variables, d’abord sous l’épiscopè des apôtres, puis sous la vigilance de leurs premiers collaborateurs et de leurs « successeurs » (Cf. lettres pastorales).

2.    L’héritage

La grande Histoire de l’Eglise -et aussi ses histoires- nous obligent à constater des témoignages de fidélité et de sainteté fécondes dans et par les ministères, mais aussi des dérives parfois contestables dans la pratique ministérielle et ses expressions théologiques :

-          Une « sacerdotalisation » des ministères, par des rapprochements problématiques avec le culte de l’ancienne alliance

-          Une concentration sur la célébration des sacrements, avec une inflation eucharistique et sacrificielle, au détriment du ministère de la Parole

-          Une montée en puissance d’un « clergé » de plus en plus séparé, avec comme corolaire une marginalisation des « laïcs », jusqu’à un certain cléricalisme omnipotent et omni-compétent

-          Une systématisation des hiérarchies par conformité aux modèles patriarcaux de la société ambiante

-          Une mise à part des ministres par une imposition du modèle monastique (cf. célibat obligatoire), ce qui a exclu peu à peu le diaconat permanent et empêché l’éclosion de ministères féminins

Des correctifs ont cependant été apportés au cours des siècles :

-          Par le rayonnement des monastères de spiritualité et de composition non cléricales

-          Par l’éclosion de nombreuses communautés religieuses de type contemplatif, apostolique ou missionnaire, au gré des besoins en Eglise

-          Par l’éveil tardif d’un laïcat chrétien de mieux en mieux organisé, tantôt au cœur de la société, tantôt au service de la vitalité de l’Eglise elle-même (Cf. Jean-Paul II Christi fideles laïci 1989)

-          Par le retour du diaconat permanent (Vatican II Lumen gentium 29)

-          Par la montée des mouvements de type « charismatique » qui secouent les structures traditionnelles d’autorité

-           

3.    Vatican II : référence et promesse

Dans cette longue histoire, le concile Vatican II a opéré des changements significatifs grâce aux renouveaux biblique, liturgique et œcuménique.

-          En remettant en évidence la vocation et la mission du peuple de Dieu (Lumen gentium ch. 2), dans lequel tous les baptisés jouissent d’une égale dignité et accomplissent ensemble une même mission (LG 32)

-          En situant les ministères ordonnés ou institués comme des services du peuple de Dieu, voués à favoriser la mission de tous : évangéliser, célébrer et servir (LG 18)

-          En promouvant la collégialité épiscopale et l’exercice d’une autorité plus synodale, moins strictement hiérarchique (LG 22-23) et nettement plus participative (LG 33 et 37)

-          En instituant des ministères nouveaux, qui puissent mieux correspondre aux besoins des Eglises locales, pour l’évangélisation, la liturgie et la diaconie (Apostolicam actuositatem 3 et 10)

-          En recommandant et même en instituant officiellement des structures de délibérations et de conseils à tous les niveaux, par exemple le synode des évêques (CJC 342-348), le synode diocésain (c. 460-468), les conseils diocésains (épiscopal (c. 473-474), presbytéral (c. 495-502), pastoral (c. 511-514), les conseils en paroisse (pastoral c. 536 et pour les affaires économiques c. 537), etc…

De telles pratiques ont montré leurs bénéfices (large circulation et accueil bienveillant de la parole avant les décisions), mais aussi leurs limites (les décisions ultimes demeurant exclusivement dans les mains des « hiérarques consacrés »), avec des questions et des problèmes qui stagnent souvent en rade, même après des rencontres nombreuses et fraternelles (Cf. les bilans des synodes dans les diocèses).

4.    Un renouveau s.v.p.

Pour le bon exercice de l’autorité, il faut revoir d’urgence certaines traditions et oser des innovations nécessaires, en toute prudence certes, mais aussi dans le courage d’une efficacité bienvenue « selon l’Evangile »  (Cf. Pape François – Un temps pour changer  2020) :

-          Faut-il toujours lier absolument la présidence d’une communauté à l’ordination sacramentelle d’un ministre Cf. présidence des deux « corps » (c. 129/1, 150 et 230/3) ?

-          Comment mieux reconnaître et honorer les charismes des baptisés, surtout quand ces personnes sont connues et reconnues dans leur communauté, et dûment formées pour un service utile, voire nécessaire ?

-          Ne faut-il pas remettre en question en Occident la règle du célibat obligatoire pour les prêtres, qui bloque, de fait, l’accès à de nombreux ministères bienvenus ?

-          Comment lutter contre la mentalité et la pratique patriarcales qui empêchent les femmes d’exercer certains ministères, au titre d’une exclusion de plus en plus incompréhensible dans la société et nuisible pour l’Eglise ?

-          Comment mettre en pratique partout un esprit de synodalité qui suppose aussi une participation plus « démocratique », y compris lors des décisions, avec la confiance réciproque qu’implique la généralisation de la subsidiarité ?

-          Faudrait-il mieux distinguer, pour mieux les articuler, les fonctions, les statuts, les rôles et les tâches des divers agents pastoraux, afin de constituer de véritables « communautés fraternelles » de mission ?

-          N’est-il pas urgent d’intégrer davantage le nouvel esprit conciliaire et synodal dans tous les modules de formation à la pastorale ?

 

5.    Deux essais helvétiques

Deux tentatives d’exercice synodal de l’autorité en Suisse

Les Synodes 72-75 : un risque ? une aventure ? une grâce !

L’objectif : la mise en pratique de Vatican II en Suisse, avec approbation de Rome !

La structure : des synodes diocésains articulés et une assemblée synodale suisse

Processus et élaboration 

-           dans le diocèse LGF :

 large récolte des vœux et thèmes (publiés) - travail en commissions préparatoires - 160 délégués pour constituer l’assemblée (dont 80 laïcs et des invités d’autres confessions) – 7 sessions délibératives – les décisions (avec approbation de l’évêque) et recommandations – publication complète et diffusion large – thèmes abordés : pour une Eglise diocésaine signe de Jésus-Christ - la prière, la messe, les sacrements - le service ecclésial – notre vocation œcuménique – mariage et famille – l’Eglise et les réalités temporelles – la mission, le développement et la paix.

-          Au niveau suisse :

élaboration similaire - 5 assemblées – 180 délégués.

Evaluation : en demie teinte – les sujets, même délicats, ont été traités librement, puis les conclusions rapportées à Rome – des refus et des correctifs – une impression de dialogue de sourds sur les points les plus problématiques.

(Cf. Pour une Eglise servante de Jésus-Christ  Editions Saint-Paul 1978)

AD2000  -  diocèse de LGF

« Faire route ensemble – risquer l’espérance »

Toujours pour appliquer le concile Vatican II et les Synodes 72

500 groupes de dialogue pour collecter les souhaits et les thèmes – une assemblée de 100 délégués – 5 phases de délibérations et une grande fête diocésaine, avec un message pour tout le diocèse – 9 documents thématiques (approuvés par l’assemblée et par l’évêque)  – des demandes précises (126) – une note personnelle de l’évêque pour trois thèmes délicats – la constitution d’un conseil pastoral diocésain pour prolonger l’expérience « synodale ».

(Actes d’AD 2000  Imprimerie Saint-Paul 2001)

6.    Le modèle du Groupe des Dombes

S’inspirer de Jérusalem  Cf. Actes 15

L’Esprit du Christ constitue un peuple de frères et sœurs, porté par une expérience de communion au service de l’Evangile dans le monde

Dans la vie courante d’une communauté :

-          Identifier loyalement les faits, problèmes et questions

-          Rassembler la communauté et ses ministres

-          Ecouter les témoignages de vie dans l’Esprit

-          Favoriser l’expression libre « démocratique »

-          Discerner sous la lumière de la Parole et dans la prière

-          Honorer les rôles complémentaires et différenciés (Cf. Pierre, Jacques, Paul, les anciens, les délégués, etc…)

-          Viser une unanimité qualifiée

-          Conclure dans un acte liturgique « spirituel »

-          Partager les actes dans la communauté et entre Eglises

Pour le Groupe des Dombes, dans une perspective œcuménique, la bonne gestion de la vie ecclésiale et l’exercice de l’autorité « dans l’Esprit » doivent intégrer et articuler trois instances complémentaires :

-          La dimension communautaire (toute l’assemblée) favorisée par les moyens modernes de communication sociale

-          La dimension collégiale (la fraternité des ministres et principaux responsables, si possible en présentiel)

-          La dimension personnelle (présidence « symbolique »)

Cf. Le ministère de communion dans l’Eglise universelle nos 133-151  1985

      Pour la conversion des Eglises – propositions finales  1991

      Un seul maître ch. V  2004

L’Esprit qui préside à l’Eglise suscite l’esprit d’amour fraternel, de confiance réciproque, ainsi que l’ardent désir de servir l’Evangile par une communauté de témoins prophétiques au cœur du monde.

Conclusions personnelles

Pour la santé évangélique des ministères et de leur exercice, il convient

-          Que la formation basique et permanente soit de grande qualité

-          Qu’une spiritualité de la vocation et de la mission accompagne les pratiquants dans leurs services, y compris pour leur ressourcement régulier

-          Que puisse être donné, pour le bien des communautés, le témoignage d’une vraie fraternité entre les ministres

-          Que la dimension œcuménique soit toujours mieux promue et mise en pratique, chez nous surtout

 

Fribourg, le 9 février 2021                                                                                                          Claude Ducarroz

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