Juste avant/avent Noël 2020

 

Homélie

4ème dimanche de l’Avent 202

Evangile de l’Annonciation  Luc 1,26-38

 

« Cherchez la femme ! »

On m’a dit que cette invitation -vaguement sexiste- favorisait la solution des énigmes policières, dans les romans et parfois dans la réalité. Qu’en pense John Le Carré ? Je ne sais pas…il est mort !

Aujourd’hui, j’ai une bonne nouvelle pour vous : Dieu a trouvé la femme. Vous venez de l’entendre : elle s’appelle Marie, elle vient de Nazareth. Curieusement, il l’a trouvée, non pas dans le temple de Jérusalem, ni dans un palais royal, encore moins dans le sous-sol d’une banque. Il est venu l’appeler par un ange dans une humble bourgade de Palestine dont on disait : « Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? »    Marie. Une jeune fille, sans doute très jeune, pour l’instant fiancée à un charpentier du nom de Joseph.

Vous l’aurez peut-être remarqué : la liturgie de ce temps de l’Avent passe en revue les grandes figures préparatoires à l’évènement de Noël. Dimanche dernier, c’était Jean-Baptiste le précurseur. Avant-hier vendredi, c’était justement l’artisan Joseph, qu’il ne faut jamais oublier, tant sa collaboration fut décisive dans la réalisation du dessein de Dieu. Mais aujourd’hui, c’est la plus proche du mystère, et c’est une femme. Dans toutes ses lettres, saint Paul parle une seule fois de Marie, et sans même énoncer son nom.  Car tout est dit quand il écrit aux Galates (4,4) que Jésus « est né d’une femme. » 

Quelle femme ? Peut-être nous faut-il dépasser certaines images doucereuses d’une Marie inclinée et soumise, pour retrouver la vraie Marie de l’Evangile, celle qui transparaît dans la bonne nouvelle de ce jour. Sans doute est-elle simplement humaine quand elle est bouleversée par le message de l’ange, bien que son âme fut préparée par la grâce qui la comblait depuis toujours. Elle qui vient des périphéries oubliées, voici qu’on lui annonce la venue d’un fils qui sera grand, appelé fils du Très-Haut, installé sur le trône de David pour un règne sans fin.

 N’en jetez plus ! C’est trop pour elle ! Alors elle se dresse devant l’ange, comme une femme libre et intelligente, qui a le droit de se poser des questions, et le devoir en conscience de les exprimer, même au messager de Dieu, et donc à Dieu lui-même. Elle le fait dans la simplicité réaliste d’une femme du peuple: Je ne connais pas encore la communion charnelle avec un homme. Alors comment cela va-t-il se faire ?

 L’explication de l’ange l’immerge alors dans le mystère : c’est l’affaire de l’Esprit Saint. « Ne crains pas, car rien n’est impossible à Dieu. »  Pour Marie est venu le moment de plonger dans la foi-confiance, dans la mentalité de la servante, mais attention : celle du Seigneur, pas une femme-esclave. Elle est tout entière au service d’une parole qui à la fois la dépasse infiniment et la porte respectueusement.

Pour connaître encore mieux la personnalité de cette femme unique, « bénie entre toutes les femmes », il faudrait compléter son portrait. Humble servante certes, mais aussi en voyage missionnaire, guidée par l’enfant qu’elle abrite avec amour. N’a-t-elle pas traversé les montagnes pour secourir en hâte sa parente Elisabeth ? Une rencontre entre femmes, dira-t-on.

Mais écoutons ce que dit Marie dans la joie de ces retrouvailles. Elle loue celui qui fit des merveilles pour elle et en elle. Mais elle exalte aussi le Dieu qui disperse les orgueilleux, déboulonne les puissants de leurs trônes et renvoie les riches les mains vides. Des paroles fortes,  parce que ce Dieu-là élève les humbles et comble de biens les affamés.

 Sans doute Marie n’a-t-elle pas fomenté une révolution politique. Mais ce n’est pas un hasard si son fils Jésus, dans la synagogue de son village, tout au début de son ministère, a défini sa mission avec les mêmes expressions que celles de sa mère. Il se présenta comme celui qui, selon le prophète Isaïe, vient « annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, rendre la liberté aux captifs et aux opprimés, et la vue aux aveugles. » Dès lors Marie peut retourner à son silence, car Jésus a pris le relai. Sommes-nous prêts, nous aujourd’hui, de prendre le relai de Jésus, personnellement, en communauté d’Eglise, en société ?

 Marie sera toujours discrètement présente aux grands évènements de la vie de son enfant. A commencer par sa naissance dans la pauvreté d’une étable, jusqu’à la croix sur laquelle il donnera sa vie pour le salut du monde. La crèche et la croix sont du même bois, celui de l’amour, car dans l’une comme sur l’autre, il y a Celui que le Père nous a envoyé, en passant par la femme Marie, pour révéler à l’humanité l’immensité de sa tendresse pour nous.

Nous nous apprêtons à fêter Noël, dans des circonstances exceptionnelles, on dirait aujourd’hui « compliquées ». Nous n’aurons pas célébré grand-chose, dans les toiles d’araignées des regrets et des solitudes, si nous n’allons pas, avec Marie, jusqu’au bord, et si possible, jusqu’au cœur du mystère. Autrement dit jusqu’à la découverte- ou redécouverte- de Celui qui veut passer de sa crèche en nos vies, et de sa croix dans nos cœurs. De nos misères à sa miséricorde. Et cela par les énergies de sa résurrection, sans laquelle Noël ne serait qu’un fait divers banal dans l’anonymat d’une nuit de Palestine, et la croix le dernier mot fatal à l’horizon de notre tragique histoire. Mais il y a justement le matin de Pâques, qui a tout changé. Oui, il n’y a de vrai Noël que pascal.

 Puisse Marie nous donner la main- sa main de femme et de mère- pour nous guider vers Jésus, le sauveur universel et éternel.

Claude Ducarroz

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