Homélie

22 novembre 2020

Fête du Christ Roi

Mt 25,31-46

Label suisse ! C’était clair dans l’évangile de dimanche dernier, puisqu’on y lut, de la part du riche propriétaire à l’adresse du gérant paresseux : « Il fallait placer mon argent à la banque, et à mon retour je l’aurais retrouvé avec les intérêts. » Quoi de plus suisse ?

Mais en ce dimanche, il n’y a rien de Suisse, puisque l’Eglise nous propose de célébrer la fête du Christ Roi. En effet, c’est une spécialité tout helvétique : nous n’avons jamais eu dans notre longue histoire aucun dirigeant qui fût notre roi. Nous sommes allergiques à toute monarchie, et quand les monarques des autres -comme les Habsbourg ou Napoléon- ont voulu commander chez nous, on les a chassés assez promptement.

Le Christ Roi. Il faut savoir que cette fête n’a été introduite dans le calendrier liturgique qu’en 1925 par le pape Pie XI pour contrer la montée en puissance des futures dictatures qui menaçaient de soumettre des peuples entiers à leur impitoyable férule.

Christ Roi. Quelle est cette royauté puisque l’Eglise nous invite aujourd’hui à la reconnaître et à nous placer sous son ombre, ou plutôt dans sa lumière ? Une seule fois, Jésus a dit -c’était à Pilate- : « Je suis roi », en ajoutant aussitôt : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Et comment fut-il traité royalement juste après cette audacieuse déclaration ? On lui mit une couronne d’épines sur la tête, un manteau rouge de dérision, accompagné d’une averse d’insultes et de crachats. C’était ça, le roi à la manière de Jésus de Nazareth.

Et quelle royauté ? Jésus n’est pas du genre à faire de belles théories qui ne seraient pas d’abord prouvées par des actes. La veille de sa royale et ironique intronisation, pendant le repas des adieux avec ses amis, il a leur a dit : « Vous m’appelez Maître et Seigneur et vous dites bien, car je le suis. »  Il serra alors un tablier autour de sa taille, se mit à genoux devant eux et leur lava les pieds. Le boulot de l’esclave.

Voilà comment il veut régner sur le monde, sur toute l’humanité et donc aussi sur nous : par le service qui est la forme la plus humble de l’amour. Un amour sans frontière et sans barrière. Car il a aussi lavé les pieds de Pierre qui allait le renier et de Judas qui s’apprêtait à le trahir.

 Cette royauté, originale et originelle, comme nous le rappelle saint Paul dans la deuxième lecture, sera pleinement réalisée dans le Royaume de Dieu, quand nous serons tous rendus « pascals », à l’image du ressuscité.  Alors « Dieu sera tout en tous » puisque le Christ aura anéanti la mort en remettant tout son pouvoir royal à son Père. Et nous avec !

Mais en attendant, que se passe-t-il ? Jésus nous a promis de demeurer mystérieusement avec nous en nous donnant les énergies de son Esprit. Et nous en avons bien besoin puisqu’après le lavement des pieds, il a dit à ses disciples, encore stupéfaits par son geste si humble : « C’est un exemple que je vous ai donné… Vous devez, vous aussi, vous laver les pieds les uns aux autres ». En ajoutant, pour nous encourager : « Heureux serez-vous si vous le faites. » Car il y a de la joie à servir !

Et nous voilà embarqués, dès maintenant, dans le déploiement de la royauté du Christ en ce monde, sans attendre les surprises de l’au-delà. A condition d’imiter son exemple et d’agir selon son Esprit.

On l’a compris. Pas par l’accumulation des richesses, mais par le réflexe du partage ; pas par des démonstrations de puissance, mais par la recherche infatigable de la paix ; pas par l’arrogance du pouvoir, mais par la promotion des petits et des derniers ; pas par des mavoeuvres vengeresses, mais par la force de pardonner ; pas par l’orgueil du savoir, mais par la joie de répandre humblement la vérité.

Et pour que nous n’essayions pas de trouver de mauvaises excuses, voici que Jésus, dans l’évangile de ce jour, se permet d’entrer dans quelques détails, toujours d’actualité : donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, accueillir l’étranger, habiller ceux qui sont nus, visiter les malades, rencontrer les prisonniers, etc…

Mais là, faisons bien attention ! Ce n’est pas de la petite morale qui servirait à l’Eglise – ou aux prêtres- de nous culpabiliser à bon marché. Cette pratique a certes des dimensions sociales, politiques, économiques, culturelles.

 Mais le véritable enjeu est bien plus profond : c’est rencontrer réellement le Christ dès ici-bas, en attendant une récompense royale après notre mort. Et le rencontrer où ? Justement dans les pauvres et les souffrants. Et comment ? En étant leurs serviteurs et leurs servantes, comme lui, simplement, humblement, concrètement. Car « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Telle est, aujourd’hui encore, la voie royale pour rencontrer vraiment le Christ Roi, là où il nous donne ses rendez-vous.

Claude Ducarroz

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