TOUSSAINT 2020
Toussaint 2020
Un temps
de Toussaint ! Dans mes souvenirs broyards -avec quelques bonnes
exceptions cependant-, c’était un temps assez froid, avec une petite bise ou un
épais brouillard, pour emmaillotter les rencontres d’une certaine tristesse. Celle
des souvenirs, adoucie par quelques revoirs bienvenus avec des parents de
l’extérieur.
Cette
année, il fait beau, du moins au firmament. Mais l’ambiance reste grave, et
même un peu angoissante. Le coronavirus emporte tout dans sa deuxième vague,
comme une houle qui submerge nos esprits et blesse nos cœurs au bord de la mer
de nos existences fragiles. Et puis il y a les violences du monde, des
scandales dont on se passerait bien, et l’entrée dans un hiver plein
d’incertitudes et donc d’appréhension.
Et voici
qu’éclatent dans ce contexte anxiogène, avec une certaine arrogance, les
béatitudes de la fête de ce jour, neuf fois « heureux », l’optimisme
un peu naïf qui nous vient de l’évangile de Jésus de Nazareth. Il faut
oser : des déclarations et des promesses de bonheur « au
présent » : « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse ».
Vraiment ? Est-ce raisonnable ? Est-ce possible ?
Remarquons
d’abord que le tableau évangélique, qui s’adresse à une communauté chrétienne,
ne manque pas de réalisme. Car ces gens-là avaient aussi leurs problèmes, et
même des épreuves. Les fameux « heureux malgré tout » souffrent
pour la justice et pour la paix, Il leur arrive aussi de pleure. Certains sont
calomniés, insultés et même persécutés. Et pourtant quelqu’un leur annonce le
bonheur possible. Lequel ? Il a deux faces, qu’il ne faut jamais
disjoindre, comme les deux côtés inséparables d’une même médaille.
Tantôt ça
se passe déjà maintenant sur cette terre : la consolation, la miséricorde,
la satisfaction de servir le bonheur des autres par l’engagement pour les
valeurs humaines de la fraternité et de la justice.
Tantôt
les promesses pointent vers le Royaume des cieux, quand nous hériterons de la
récompense éternelle lorsque nous verrons Dieu face à face, en fils et filles
éblouis par sa gloire et rassasiés par sa joie.
Utopie ou
« parole d’évangile » ? La réponse à cette question se cache
dans quatre petits mots : « à cause de moi ». C’est Jésus qui
nous le dit.
Tout cela
est possible, et même certain, parce que le Christ est venu à notre rencontre
de la part de Dieu, parce qu’il nous a sauvés dans l’excès de son amour
crucifié, parce qu’il est ressuscité d’entre les morts, parce que son Esprit
nous donne la main pour cheminer sur cette terre sans perdre de vue notre destinée
finale dans le Royaume des cieux.
C’est
d’ailleurs cette merveilleuse espérance qui nous permet de demeurer en
communion mystérieuse, mais réelle, avec nos chers défunts, et plus largement
avec l’immense foule des saintes et saints qui nous précèdent et nous attendent
dans le Royaume, tout en priant pour nous évidemment.
Telle est
actuellement la vocation de l’Eglise, donc celle de chacun de nous. D’une part
témoigner courageusement pour un au-delà de la mort, là où le Christ ressuscité
nous donne rendez-vous pour nous ouvrir la maison du Royaume de Dieu. Alors, un
jour et peut-être bientôt, nous serons pleinement consolés des tristesses de ce
monde, et donc récompensés par son Père et notre Père.
Mais en
attendant il ne s’agit pas de délaisser la terre où nous marchons en boîtant,
ni de nous résigner au mal qui abîme l’humanité, en particulier les plus
fragiles et les plus nécessiteux.
Il y a tellement de mauvais virus qui
circulent dans ce monde, pas seulement le corona, mais ceux de la violence
barbare, de l’injustice économique, de l’exclusion sociale, de l’exploitation
sexuelle, de l’égoïsme érigé en système. Alors que faire ?
Il nous
faut courageusement inoculer, en nous et autour de nous, des anticorps, les
virus de l’évangile, tels qu’ils sont décrits justement dans la Bonne Nouvelle
de ce jour. Nous nous sentons tous bien pauvres, et peut-être même impuissants,
devant tant de problèmes à résoudre et tant de souffrances à réduire. Mais si
peu que ce soit, faisons le peu que nous pouvons, chacun personnellement et en nous
mettant ensemble. Combattons les ténèbres en allumant nos petits lumignons
chrétiens. C’est à notre portée, avec la grâce de Dieu sollicitée dans la
prière.
Heureux
les pauvres de cœur : la simplicité d’une vie qui mise sur les vraies
valeurs humaines et respecte la création.
La miséricorde jusqu’au pardon sincère.
Le combat pacifique pour la justice, y compris
par la politique et l’économie.
La
pureté du cœur contre toutes les pornocraties, y compris médiatiques.
Mettre un peu de douceur, en ces temps de
pandémie, dans nos relations quotidiennes, par des gestes de bonté simple et
gratuite.
Je le
crois : Dieu a deux mains, qu’il nous tend pour que nous les prenions dans
les nôtres afin de rendre ce monde plus humain, en attendant qu’il devienne
divin quand nous plongerons en lui.
C’est la
bonté et la beauté. Voilà les graines qu’il nous offre pour que nous les semions
sans modération partout où nous sommes.
Sans
jamais oublier : Heureux, neuf fois heureux…
Claude
Ducarroz
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