Raoul Follereau ou la charité en actes

« Mes enfants, n’aimons pas par des paroles et des discours, mais en acte et en vérité »

(1 Jean 3, 18).

 

Raoul Follereau ! Il avait toutes les qualités, celles des discours et celles des actes.

Un grand orateur et un grand acteur, le don de la parole et le génie de l’action.

 

Raoul Follereau lu.

Je l’ai d’abord connu par « Le livre d’amour », un minuscule bijou de réflexions, de formules choc, de paroles qui s’impriment dans le cœur et qui font un effet de rayonnement durable. Des sentences inoubliables. Après l’avoir goûté moi-même, j’ai largement utilisé ce livre de poche bleu dans mes relations pastorales, notamment auprès des jeunes. Il concentrait dans un volume restreint et donc pratique toute la profondeur de la pensée, la vibration des expériences concrètes et la qualité des formules littéraires. Que de fois ce petit livre d’amour a répété, en beaucoup mieux, ce que je voulais transmettre comme message à des jeunes de bonne volonté qui cherchaient une piste d’engagement pour leur vie.

Raoul Follereau entendu.

Je fais allusion à la grande interview de Raoul Follereau diffusée sur les ondes de Radio-France au titre de l’émission « Radioscopie » par Jacques Chancel. On sentait alors la présence de ce grand bonhomme que Chancel voyait déjà comme Prix Nobel de la paix. Et puis il y avait les anecdotes, le récit des évènements, la densité de la vie dans l’alliance impressionnante entre les tragédies humaines - celle des lépreux par exemple - et les générosités de Follereau, pleines d’une imagination débordante comme l’amour. Il me donnait l’impression que rien ne pouvait lui résister quand il s’agissait de venir au secours des plus malheureux, des plus oubliés. Dans ce témoignage, je puisais des courages bienvenus pour des initiatives bien plus réduites certes, mais qui avaient besoin d’être entraînées par le dynamisme infatigable d’un frère aîné. Et cet apôtre bulldozer, c’était Follereau, sans jamais oublier son épouse Madeleine, fidèle compagne de sa vie et complice admirable de ses actions.

 

Raoul Follereau rencontré.

Je crois que c’était à l’aula de l’université de Fribourg. Follereau donnait une conférence publique. Quel personnage ! Corpulent, vêtu à l’ancienne, appuyé sur sa canne de style, il semblait venir d’un autre monde, tout ruisselant de bourgeoisie bien pensante. Et pourtant il avait des paroles révolutionnaires, pas dans une idéologie théorique, mais dans la mobilisation pour sa cause. Et sa cause était profondément évangélique : les plus pauvres à aimer en les respectant, en les aidant, en les remettant debout. La forme du discours était très classique, avec des brillances un peu surannées. Mais le fond était de feu, celui de la plus brûlante charité, justement celle qui ne se paie pas de mots, mais nous bouleverse jusqu’à l’action qui emporte la personne, celle qui se donne avec ce qu’elle donne. La collecte était le reflet matériel de la force de ce témoignage partagé. Mais surtout - je le crois - les auditeurs qui sortaient de la salle ne repartaient pas comme avant. On n’avait pas allégé sa conscience en donnant quelque chose. On était devenu différent en orientant sa vie un peu plus sur l’amour solidaire comme boussole d’existence.

En résumé, j’estime que Raoul Follereau est un des grands témoins de la solidarité humaine et de l’amour évangélique au cours du XXème siècle. Je ne puis que souhaiter que l’inspiration de sa pensée et la générosité de ses actions continuent de motiver de nombreuses personnes qui, dans notre contexte actuel et de manière sans doute différente, continuent à miser sur l’amour pour changer le monde, en commençant par aider les plus pauvres à retrouver dignité et pleine humanité.

A paru dans Demain c’est nous Ed. Ouverture 2020 

Claude Ducarroz

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