Deux mystères
Deux mystères
Le téléphone sonne. C’est Jacques-André, un ami de longue
date, que je n’ai pas revu depuis assez longtemps. Hospitalisé, il souhaite ma
visite. Ce qui fut fait évidemment.
L’entrée en matière est assez déconcertante. Il veut
m’entretenir de deux « mystères », selon ses propres paroles :
« Pourquoi ai-je attendu l’âge de trente ans pour devenir athée ? et
pourquoi toi, qui es intelligent -merci pour le compliment !- n’es-tu pas
encore athée comme moi « ? Le reste de la conversation fait partie
des confidences à respecter.
J’avoue que l’interpellation de cet ami m’a fait
réfléchir. Il me semble que l’athéisme et l’incroyance, du moins dans notre
monde occidental, gagnent du terrain au point de devenir peu à peu une
idéologie dominante.
Certains planent allégrement sur les ailes des progrès
scientifiques, techniques et informatiques. On ne voit pas la place d’un Dieu
dans cette conjoncture qui recèle le véritable et heureux avenir de notre
humanité.
D’autres surfent plutôt sur le désespoir suscité par les
drames récurrents qui bouleversent notre Histoire. Si Dieu existait, il n’y
aurait pas tant de souffrances qui crucifient le monde. Donc…
Aux optimistes sans Dieu et aux pessimistes contre Dieu,
s’ajoutent parmi nous des ex-chrétiens dont les nombreuses places restées vides
dans nos églises attestent de leur renonciation silencieuse. Ils avaient cru
trouver dans l’Eglise une partie de la solution à leurs interrogations existentielles.
Or leur Eglise leur apparaît aujourd’hui comme une pénible composante de ces
problèmes.
Dans ce contexte, voici qu’éclatent, à la faveur des
liturgies pascales, des questions brûlantes de la part de Jésus de Nazareth. A
Marie de Béthanie : « Crois-tu cela » (la
résurrection) ? Aux disciples l’Emmaüs : « Cœurs lents à croire…
Ne fallait-il pas que le Christ souffrît tout cela pour entrer dans sa
gloire ? » Aux apôtres : « Pourquoi tant de doutes dans
votre cœur ? » A Thomas :
« Ne sois plus incrédule, mais croyant… Heureux ceux qui ont cru sans
avoir vu… »
C’est tout le paradoxe de la présence des croyants dans
notre société. Notre foi elle-même nous
invite à rejoindre librement et à aimer sincèrement tout humain, croyant ou
non, avec lequel nous partageons pleinement notre belle et humble condition sur
cette terre. Notre fraternité universelle est d’autant plus profonde lorsque
nous sommes tous ensemble dans les combats pour la dignité de la personne, le
respect de la vie, la justice sociale, la paix relationnelle, le soin de la
création. Nous croyons, en effet, que l’Esprit de Dieu travaille au cœur de
tout homme et femme de bonne volonté, qui suit les inspirations de sa
conscience et cherche à faire le bien.
Mais nous croyons
aussi que le destin de chaque personne, qu’elle le sache ou non, dépasse les
limites de notre espace et de notre temps, parce qu’elle a pour vocation ultime
de rejoindre son Créateur et Père dans le royaume de Dieu pour une vie
éternelle. Tel est le cadeau offert à tous par le mystère pascal de Jésus
Christ.
Témoigner de cela, en paroles et en actes : tel est
le redoutable et merveilleux service que peuvent et doivent rendre à l’humanité,
celles et ceux qui se réclament de Jésus et de son évangile.
Clairement et humblement. En toute amitié, sans barrières
et sans frontières.
Claude
Ducarroz
A paru sur le site
cath.ch le 12 avril 2023
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